Defendons la verite contre le controverite! Evelyn Hecht-Galinski Traduction Christiane Reynaud

Défendons la vérité contre la contrevérité !

Evelyn Hecht-Galinski

Commentaire du 17 octobre 2018

Texte original : https://www.sicht-vom-hochblauen.de/verteidigen-wir-die-wahrheit-gegen-die-unwahrheit-von-evelyn-hecht-galinski/

Traduction : Christiane Reynaud

 

Ce qui s’est passé dimanche dernier (14.10.2018), le jour des élections en Bavière, dans l’église Saint-Paul (Paulskirche) de Francfort, devant 700 illustres invités de la politique, des médias et de la culture, était certainement une nouveauté. Le couple Jan et Aleida Assman a reçu le Prix de la paix des libraires allemands. Les deux chercheurs, spécialistes des civilisations, ont été récompensés, entre autres, pour leurs travaux de recherche sur la « culture du souvenir ». Ils ont fait leur discours de remerciement en commun. . Le jury a honoré « un couple de chercheurs qui s’est, pendant des décennies, mutuellement inspiré et complété dans son travail » et il a ajouté : « Cette unité dissemblable et complémentaire formée par Jan et Aleida Assmann a produit une œuvre « à deux voix » qui est d’une grande importance pour les débats contemporains et en particulier pour la coexistence pacifique dans le monde ».

http://www.friedenspreis-des-deutschen-buchhandels.de/445651/

 

Vrai est ce qui nous unit

 

Dans leur discours de remerciement, ils ont souvent fait référence à Hannah Arendt et à Karl Jaspers chez qui ils ont trouvé cette phrase marquante : « Vrai est ce qui nous unit ». Heinrich Riethmüller, le président du Börsenverein, a qualifié ce prix de « décision très politique » et Aleida Assmann a fait des déclarations politiques qu’on ne peut pas contredire. Cependant, à la fin de son discours, j’ai dressé l’oreille quand elle fit référence à la demande auprès de l’UNESCO d’inscription au patrimoine mondial de la ville d’Hébron dans la Cisjordanie occupée par Israël.

https://www.boersenblatt.net/artikel-friedenspreis_fuer_aleida_und_jan_assmann_-_der_festakt_in_der_paulskirche.1532291.html

 

Cette demande faite par la Palestine et acceptée par l’UNESCO avait fait, pour sa part, – comme on pouvait s’y attendre – l’objet de l’opposition de la puissance occupante israélienne.

 

Aleida Assmann a néanmoins qualifié Hébron de ville occupée, mais elle a délibérément souligné « l’héritage particulier » et la revendication du « peuple juif » à une partie des couches historiques. Elle s’est penchée sur l’expression « shared heritage » (patrimoine partagé).

 

 

Aleida Assmann a en effet proposé – puisque la vieille ville d’Hébron a une histoire juive, chrétienne et islamique, qu’elle est tout aussi présente, sainte et vivante dans les trois religions monothéistes mondiales parce qu’elles se basent toutes les trois sur Abraham comme leur ancêtre commun – de déposer une demande commune israélo-palestinienne, car seule une demande commune pourrait reconnaître toute l’histoire de ce lieu et serait en même temps sa meilleure protection. Ce qui divise ici, c’est « la prétention de détenir exclusivement la vérité ». Une telle demande commune résoudrait non seulement le conflit, mais « ferait de la Vieille Ville d’Hébron un lieu de rapprochement, de coopération et de paix, au lieu d’un lieu de terrorisme. Après tout, Hébron signifie en hébreu, tout comme en arabe, « Ville de l’ami ». Selon Jaspers : « Une perspective de paix est rendue possible par un critère très simple : vrai est ce qui nous unit ».

 

Méconnaissance d’une réalité caractérisée par une brutalité cruelle

 

Dans ce contexte, on peut difficilement parler de relation pacifique. Cela me parait trop théorique et éloigné de la triste réalité. Cette proposition comme solution du problème est impensable pour moi, car il est utopique que les Palestiniens acceptent de coopérer avec les occupants et de cette façon d’admettre pratiquement l’occupation comme normale.

 

Je ne peux qualifier cette proposition qui part certainement d’une bonne intention que de naïve. Comment une telle relation peut-elle exister dans une ville où, selon l’UNESCO, le patrimoine mondial est en danger ?

 

Comment peut-il y avoir une perspective de paix à Hébron, symbole de l’oppression du peuple palestinien et de la revendication israélienne illégale de la possession d’un lieu aussi important pour les trois religions mondiales ?

 

Haaretz a rapporté ce même dimanche que le cabinet de Netanyahou, avait annoncé, pour la première fois depuis 2002, la construction de 31 nouvelles colonies à Hébron. Avigdor Lieberman, le fameux ancien videur et ministre de la guerre de « l’État juif », a annoncé cette décision. Il a expliqué qu’Hébron « recevait pour la première fois depuis plus de 20 ans un nouveau quartier juif sur le terrain de l’actuelle caserne militaire ». Lieberman, membre du parti d’extrême-droite Israel Beytenou  (Notre Maison Israël), a parlé en gonflant la poitrine, d’une « nouvelle étape importante dans le renforcement de l’expansion des colonies en Judée-Samarie » (= Cisjordanie occupée illégalement). Hébron, occupée illégalement, est la ville occupée dans laquelle environ 800 colons juifs vivent étroitement gardés par des «  soldats de la défense » juifs au milieu de 200.000 Palestiniens. Pour ces colons envahisseurs, une grande partie du centre historique de la ville a été délimitée.

 

Caractérisé par une brutalité cruelle

 

Depuis le début de l’occupation illégale, des unités spéciales assurent un « service spécial » à Hébron, caractérisé par une brutalité cruelle de plus en plus pratiquée par les forces de défense israéliennes (IDF) pour garantir l’occupation. Quelques soldats de l’organisation « Breaking the silence » ont été choqués par leur propre brutalité qui les suivra toujours ; ils ont « vidé leur sac » et raconté comment ils sont devenus des monstres lors des raids nocturnes où ils n’ont pas hésité à humilier violemment même des femmes et des enfants. Ces fameuses unités d’élite déployées à Hébron et à Gaza ne sont là que pour maintenir un peuple occupé sous contrôle par des checkpoints changeants, des temps d’attente démoralisants, en confisquant les clés de voitures, par des tortures et des interrogatoires humiliants, les arrestations de communautés villageoises entières, la destruction des maisons, en écrasant tous leurs biens, par la coresponsabilité pénale familiale, les punitions collectives : par là, elles humilient les Palestiniens et gravent pour toujours dans leur esprit que la résistance est vaine. Tout cela est vendu au public comme étant de la « lutte contre le terrorisme » et de la « légitime défense », exactement comme la communauté hypocrite des valeurs et spécialement la chancelière Merkel avec son « ministre à cause d’Auschwitz » Maas le font et se solidarisent avec le nettoyage ethnique de la Palestine.

 

L’UNESCO a récemment pris de nouvelles résolutions concernant le patrimoine mondial : la Vielle Ville de Jérusalem, la mosquée historique Al-Ibrahim (Tombeau des Patriarches) à Hébron et la mosquée Bilal Ibn Rabah à Bethléem en Palestine occupée. Elles font partie du patrimoine mondial et sont menacées par Israël.

http://imemc.org/article/unesco-adopts-new-resolutions-on-palestine/

La première résolution stipule que la Vieille Ville de Jérusalem, ainsi que ses remparts, sont inscrits sur la Liste du patrimoine mondial et sont sacrés pour les trois religions monothéistes mondiales. Elle confirme que toutes les mesures prises par la puissance occupante Israël sont nulles et non avenues et doivent donc être rejetées.

La deuxième résolution confirme que la mosquée Al-Ibrahim à Hébron et la mosquée Bilal Ibn Rabah à Bethléem sont des lieux importants en Palestine. Ils appartiennent à l’islam comme les sanctuaires du judaïsme et du christianisme.

Dans cette résolution, on déplore que des colons israéliens fassent avancer des fouilles, la construction de nouvelles rues et de nouveaux bâtiments ainsi que d’un mur autour de la Vieille Ville d’Hébron. Cela est contraire au droit international et déforme l’histoire originale des monuments. La résolution refuse toute enfreinte à la liberté et exige le libre accès aux lieux saints.

La résolution déplore aussi que le mur de Bethléem restreigne l’accès à la mosquée Bilal Ibn Rabah et exige que « les autorités israéliennes restaurent le caractère original des alentours pour permettre la visite de la mosquée ».

Occupés et occupants placés sur le même niveau

Tout cela m’a fait d’un coup réaliser à quel point le discours d’Assmann était typiquement allemand. Encore une fois, les scientifiques qui devraient mieux le savoir et le savent aussi, ont placé les occupants et les occupés sur le même niveau. Et pas seulement cela, car de toute évidence, Israël ne veut pas la paix mais le pays sans la population.

Par conséquent, la proposition précédente est aberrante et je recommande aux époux Assmann la lecture du livre de « Breaking the silence » dans lequel des soldats israéliens décrivent leur intervention méprisante contre la population civile dans les territoires palestiniens occupés. Les scientifiques auraient alors sûrement apporté une autre touche finale à leur discours de remerciements au sujet d’Hébron.

Mais de cette façon, ce discours, en grande partie important et brillant, est resté typiquement allemand et impardonnablement incomplet, voir partial dans le mauvais sens du mot – comme toujours quand il est question d’Israël et de la Palestine. Voici quelques unes des déclarations les plus prégnantes pour moi que je voudrais commenter :

„Der Wert der Wahrheit ist wichtiger denn je“. (La valeur de la vérité est plus importante que jamais)

Oui, mais de grâce, toute la vérité et pas seulement la moitié comme dans l’exemple d’Hébron !

Jede Gesellschaft braucht ein Gedächtnis“ (Chaque société a besoin d’une mémoire)

En effet, la société palestinienne a aussi besoin de la reconnaissance de sa mémoire qui lui est brutalement volée par la puissance d’occupation juive.

„Beschämend ist allein diese Geschichte, nicht aber die befreiende Erinnerung an sie, die wir mit den Opfern teilen. (Honteuse est seulement cette histoire, mais pas son souvenir libérateur que nous partageons avec les victimes)

Cela ne s’applique-t-il pas aussi à l’histoire en Palestine/Israël ? La Nakba, la catastrophe que « l’État juif » ne veut pas partager avec les victimes, aussi est honteuse : Israël fait tout pour effacer et renier ce souvenir. Tant que les Allemands ne reconnaitront pas cette réalité, il ne peut pas y avoir de véritable culture de la mémoire en Allemagne.

Toute culture du souvenir liée à la Shoah sera à jamais liée à la Nakba, qui résulte de la fondation de l’État d’Israël il y a 70 ans et dont les Palestiniens sont les victimes reniées de la barbarie nazie. Qui ne reconnaît pas cette réalité, renie une mémoire aussi bien culturelle que nationale. Surtout en Allemagne, il est grand temps de reconnaître cette réalité, en ces heures sombres où l’exposition sur la Nakba est de nouveau interdite et la liberté d’expression de plus en plus restreinte.

Il faut considérer le domaine public comme une zone de combat où la vérité doit continuellement s’imposer contre la contrevérité

Quel discours cela aurait pu être si un couple de scientifiques de cette envergure avait également tenu compte de ces faits qui sont indissociablement liés au passé allemand ! Tant que la responsabilité pour les Palestiniens n’est pas mise au même niveau que celle pour « l’État juif », toute culture du souvenir reste imparfaite et hypocrite. Laissez-moi terminer avec Karl Jaspers si souvent cité dans le discours : « ll faut considérer le domaine public comme une zone de combat où la vérité doit continuellement s’imposer contre la contrevérité ».

Tenons ferme en public et défendons la vérité contre la contrevérité !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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