Esprits philosémites passéistes, liberté d’expression et xénophobie Evelyn Hecht-Galinski Traduction: Christiane Reynaud

 

 

 

Esprits philosémites passéistes, liberté d’expression et xénophobie

Evelyn Hecht-Galinski

Texte original: https://www.sicht-vom-hochblauen.de/braune-philosemitische-geister-die-meinungsfreiheit-und-der-fremdenhass-von-evelyn-hecht-galinski/

Traduction: Christiane Reynaud

Il était une fois il y a 30 ans: le mur de Berlin tomba, mais le mur de la xénophobie s’érigea. J’ai été, moi aussi, euphorique en voyant à la Porte de Brandenbourg  l’enthousiasme des gens qui respiraient l’air de la liberté. Aussi belles que furent cette nouvelle liberté, la fin de la séparation et la chute du Mur, aussi amer fut le réveil. La RDA fut un État de non-droit qui a opprimé et espionné ses citoyens. Beaucoup de ceux qui sont aujourd’hui au premier rang de la politique allemande fédérale n’ont pas été, comme ils essaient toujours de le prétendre, des victimes du système, mais des acteurs. N’y avait pas eu déjà quelque chose de semblable en Allemagne? Après 1945, quand beaucoup de sbires nazis retrouvèrent leurs anciens postes alors que les émigrants furent diffamés comme traitres au peuple, ce furent le guerre froide, les alliés occidentaux et une éducation idéologique qui continuèrent à propager le relent passéiste. On renouvela les anciens partis et ils ne voulurent plus rien avoir à faire avec le passé. Mais le passé n’avait pas disparu, il reste comme un monument pour lequel le souvenir est nécessaire.

Sans la Russie, la fusion en une seule Allemagne n’aurait pas été possible

Alors que la RDA arrivait pratiquement à sa fin, ce fut le mérite de Gorbatchev de devancer certains politiciens passéistes de RDA et d’ouvrir le Mur. Cet acte témoigne de sa grandeur. Sans la Russie, la RDA n’aurait jamais pu être libre et n’aurait pas pu fusionner en une seule Allemagne. Même si aujourd’hui encore les différences sont grandes, la plupart des citoyens de RDA sont entre-temps liés à l’Allemagne fédérale. Bien sûr, il y a beaucoup d’aigris et de laissés pour compte, mais n’y en a-t-il pas aussi à l’Ouest? Il faudra sûrement encore une génération avant que cette relation soit devenue une normalité.

Ce sujet me préocuupe depuis ma jeunesse car j’ai vu de près à Berlin comment la guerre froide et la presse de Springer ont empoisonné „l’atmosphère berlinoise“ et cela jusqu’aujourd’hui.

Le 9 novembre: oui, c’est en Allemagne une journée d’une grande importance historique qui doit rester dans les mémoires comme jour du souvenir de la nuit du pogrome de 1938, aussi bien à l’Est qu’à l’Ouest. Mais qu’est-ce qui nous empêche de commémorer ce jour de novembre comme le jour de la chute du Mur et de voir dans cette chute un avertissement et une incitation à penser au Mur de l’apartheid en Palestine et à exiger sa chute? Ces dates et ces murs sont, après tout, étroitement liés.

La position pro-israélienne de l’AfD masque sa position nationaliste antisémite

Le populisme de droite, l’islamophobie et l’antisémitisme sont également liés. L’AfD, le parti qui se montre si ouvertement mal à l’aise avec la politique du souvenir, qui ne veut rien avoir à faire avec „cette fiente d’oiseau de l’Histoire“, qui voudrait être mis en relation avec le „mémorial de la honte“ d’une toute autre façon que les démocrates se l’imaginent, sait parfaitement bien masquer sa véritable position nationaliste antisémite par sa position pro-juive et pro-israélienne. Il est d’autant plus réprouvable qu’un groupe de Juifs éprouve un sentiment d’appartenance à ces idées d’extrême-droite et se soit intégré à cette „Alternative pour l’Allemagne“. D’un autre côté, cela parait juste, puisque l’AfD essaie de se présenter comme une amie fiable de „l’État juif“ et une partenaire honorable dans la lutte contre l’islam politique et „l’antisémitisme islamique“.

Il est tout à fait logique que Gerold Otten, le politicien de la Défense de l’AfD, réclame l’intervention de l’armée fédérale à la frontière allemande pour la protéger contre les réfugiés. L’AfD imagine un corps de 50.000 réservistes pour renforcer les 230.000 soldats. Otten pense qu’il pourrait y avoir encore des discussions d’ordre constitutionnel. Le régime sioniste pratique cela depuis des années pour lutter contre les Palestiniens et les „infiltrés“. L’objectif de ces politiciens allemands est peut-être que des collègues israéliens participent en tant que conseillers compétents à de telles interventions, d’autant plus que depuis dimanche jusqu’au 14 novembre, l’armée de l’air allemande participe avec environ 130 soldats et 6 Eurofighters de  l’escadrille 71 „Richthofen“ à l’exercice international „Blue Flag“ dans le désert du Néguev. Selon l’armée „de défense“ israélienne, l’exercice est de „la plus grande importance“ car on s’y entraine à divers scénarios de combat et différentes techniques de vol. D’ailleurs les États-Unis, l’Italie et la Grèce y participent aussi! Et d’aprés le journal Bild, des soi-disant „spécialistes anti-terrorisme“ surveillent déjà des bâtiments juifs en Allemagne. Pourquoi n’y a-t-il pas de débats d’ordre constitutionnel à ce sujet?

Non seulement l’armée allemande a de nombreux admirateurs dans „l’État juif“, mais l’AfD est aussi louée par le quotidiens israélien Israel Hayom  pour sa complaisance envers Israël. En effet, on ne peut pas manquer de remarquer la ressemblance avec le Likoud ou d’autres partis gouvernementaux du spectre d’extrême-droite israélien.

https://www.tagesspiegel.de/politik/israel-und-europas-rechtspopulisten-verbuendete-gegen-islam-und-islamismus/23938578.html

Une offensive incendiaire xénophobe, bien accueillie à l’Est

Le fait que l’AfD connaisse autant de succès en particulier dans les Länder de l’Est de l’Allemagne, l’ancienne RDA,  devrait nous donner à réfléchir. La stratégie de l’identité nationale et de la migration, avec le refus total de la migration, des Musulmans et des étrangers, tombe sur un terrain si fertile que cela devrait nous inquiéter. En effet, beaucoup de ces électeurs et de ces citoyens de l’Est sont xénophobes sans qu’il y ait d‘étrangers. Construite sur la jalousie sociale, le refus du multiculturalisme et de l’immigration, l’AfD a pu gagner de plus de plus d’électeurs. La campagne „Herbstoffensive“ (offensive automnale) est rapidement devenue partiale, incendiaire et xénophobe et cela semble malheureusement avoir particulièrement de succès à l’Est. Cette AfD s’est de plus en plus orientée vers Björn Höcke, bien que les différences ne soient que marginales entre Gauland, Weidel, Meuthen, Beatrix von Storch ou Erika Steinbach – qui n’est pas encore membre de l’AfD mais qui dirige la Fondation Desiderius qui est liée à ce parti – de même que l’éditorialiste de droite du blog “Die Achse des Guten” Vera Lengsfeld, qu’elle soit membre ou seulement sympathisante. Mais en gros, ils s’inscrivent tous dans le cadre passéíste de l’AfD.

https://www.br.de/nachrichten/deutschland-welt/analyse-sind-afd-politiker-geistige-brandstifter,ReyGTZT

Nous pouvons donc observer le dangereux phénomème européen selon lequel les partis de l’extrême-droite adoptent une attitude clairemenet juive pro-israélienne pour apparaitre aux côtés de „l’État juif“ comme un bastion de la lutte occidentale judéo-chrétienne contre l’islam assimilé au terrorisme et les Palestiniens assimilés à des  terroristes. On combat en outre un antisémitisme soi-disant islamique et un antisémitisme „antiimpérialiste“ de gauche comme ennemis communs. N’oublions pas que le président du Conseil central des Juifs Schuster a été, déjà en 2015, un des premiers à réclamer une „limite supérieure“ après le premier accueil de réfugiés syriens.

https://www.spiegel.de/politik/deutschland/fluechtlinge-zentralrat-der-juden-fordert-obergrenze-a-1064054.html

Nous avons donc affaire à des revendications presque identiques quand des organisations juives réclament plus de solidarité avec Israël comme après le massacre de Gaza, ce qui est similaire aux positions de la “plate-forme patriotique” qui a été, espérons-le, entre-temps dissoute. Mais cela ne diminue en rien le danger émanant de l’AfD et n’excuse pas les électeurs qui  votent pour ce parti.

https://www.faz.net/aktuell/politik/inland/afd-nahe-patriotische-plattform-will-sich-aufloesen-15799687.html

Il est minuit cinq

Quand en Thuringe 17 politiciens de la CDU réclament, après les élections, des pourparlers “ouverts” et que Michael Heym, le chef de la faction thuringienne, lorgne avec un regard jaloux sur le score de 23,4 % de l’AfD et dit: “On ne fait pas plaisir à la démocratie si on frustre un quart des électeurs”, il est alors déjà mimuit cinq. Qu’en est-il des trois quarts restants de l’électorat? On frustre alors toute prise de conscience démocratique que je suppose encore se trouver au sein de la CDU. Si la chancelière Merkel et la cheffe de la CDU Kramp-Karrenbauer n’interviennent pas maintenant et essaient de sauver le dernier reste de décence de la CDU, je suis pessimiste quant à l’avenir sombre de ce parti. Si le secrétaire général de la CDU Paul Ziemak ne trouve pas de meilleur terme que “débile”, alors c’est vraiment débile! Le soir des élections, après le résultat désastreux de 21,8 % pour la CDU, Mike Möhring, la tête de liste CDU, a naturellement annoncé des entretiens avec le gagnant des élections et Premier ministre Bodo Ramelow, et a immédiatement été rappelé à l’ordre par le comité central de la CDU à Berlin. Si ce parti continue dans cette direction, je pense qu’il est temps de se demander si cette chancelière et ce parti sont encore capables de gouverner. Le SPD serait bien inspiré de se libérer maintenant de ses animosités contre la Gauche en tant que partenaire – aussi au niveau du gouvernement fédéral – et de réfléchir à de nouvelles stratégies et de nouvelles alliances au lieu de se tranformer de plus en plus en “CDU allégée”. Sinon, il ne lui restera plus qu’à s’occuper de lui-même en tant que groupuscule de moins de 10 %,.

Le parti AfD a déclenché une avalanche et abaissé le seuil d’inibition de la haine contre l’islam et les Musulmans, haine qui avait déjà été attisée par des incendiaires politiques moraux et les médias mais qui, maintenant, est renforcée par l’AfD. La brutalisation de la rhétorque et des actes – comme les meurtres du NSU – n’a longtemps pas été vraiment prise au sérieux. Seule l’attaque de la synagoge de Halle a attiré l’attention internationale. Mais ces “individus isolés” d’extrême-droite ont partout leurs aides spirituels et leurs acolytes et représentent un danger terrible pour nous TOUS mais surtout pour les cibles de leur haine comme les Musulmans et les Juifs. Alors qu’au début, les meurtres du NSU n’ont pas été pris au sérieux, la profanation de la tombe de mon père Heinz Galinski n’a toujours pas été élucidée, l’État devient maintenant de plus en plus attentif quand il s’agit de ses politiciens. Après le terrible assassinat du politicien local Walter Lübcke, on a commencé à réfléchir sur le danger, d’autant plus que les politiciens se sentaient particulièrement concernés. Aprés les lettres de menace de l’extrême-droite contre les Verts Claudia Roth et Cem Özdemir, l’émotion est grande et l’État “se réveille”. J’aurais bien aimé constater la même émotion lorsque Seda Başay-Yıldız, une avocate francfortoise d’origine turque dans le procès NSU, a reçu des lettres de menace d’un groupe NSU 2.0.

Là, se venge la fameuse politique allemande qui a toujours considéré la Gauche comme ennemie et porté un regard bienveillant sur la Droite. Alors que le KPD (parti communiste d’Allemagne) a été interdit et qu’en 1972 – sous le gouvernement de Willy Brandt (!) –  le décret contre les radicaux a causé beaucoup de tort, beaucoup de carrières de personnes de gauche ont été anéanties selon la devise “la Gauche dehors et les Nazis dedans” car les Républicains et le NPD n’ont pas été interdits.

https://www.spiegel.de/spiegel/historiker-kritisiert-das-kpd-verbot-des-bunde https://www.zeit.de/2013/29/berufsverbote-radikalenerlass-1972/komplettansichtsverfassungsgerichts-a-1172072.html

Ce dont nous n’avons pas besoin, ce sont des murs et des politiciens tenus en laisse par des lobbyistes qui gouvernent dans l’ombre

Tout comme la Gauche, l’islam est dans une situation difficile en Allemagne. De la même façon dont les médias occidentaux suscitent les préjugés contre les Musulmans, la Turquie et l’islam, on attise de manière effrayante l’islamophobie au sein de la population. De cette façon seulement, le populisme de droite et l’AfD ont pu prospérer. La diabolisation du Hamas, du Hezbollah à l’instigation des États-Unis et du lobby pro-israélien, et celle de l’Iran et de l’islam, a pris des proportions inquiétantes – avec des  slogans comme “Holocauste iranien”, “le passéisme, la misogynie et les crimes d’honneur en islam”, “l’antisémitisme musulman”, “le Coran, livre dangereux, verset par verset” pour ne citer que quelques exemples de diffamation.

N’y a-t-il pas aussi une instrumentalisation croissante des religions dans “l’État juif” et chez les évangéliques chrétiens qui se présentent comme de “grands amis des Juifs”? Pourquoi alors montrer l’islam du doigt et le diffamer? Par cette dangereuse évolution, la société occidentale se rend aussi coupable de la haine croissante contre l’islam.

https://www.zeit.de/gesellschaft/zeitgeschehen/2016-12/islam-verstaendnis-medien-berichterstattung-populismus-gefahr

Ce dont nous avons besoin, c’est d’une société tolérante et ouverte, sans idéologies, qui coexiste sans préjugés dans une Allemagne et une Europe multiculturelles. C’est possible et ce sera bientôt souhaitable. En effet, nous avons besoin d’environ 400.000 travailleurs en Allemagne qui puissent vivre et vieillir ensemble dans le dignité, sans salaires de misère ni aumônes. Ce dont, au contraire, nous n’avons pas besoin, ce sont des murs et des politiciens égoïstes qui ne pensent pas au pays ni à nous, les citoyens, mais aux lobbyistes qui gouvernent dans l’ombre.

Le problème, ce sont les esprits passéistes  et la xénophobie

Ce dont nous n’avons vraiment pas besoin, c’est d’une augmentation constante de l’armement et du budget militaire.Il faut aussi mettre fin à la politique étrangère hostile à la Russie et à la Turquie. Pas d’opérations militaires ni d’ingérence dans les conflits étrangers. Nous n’avons pas besoin de raison d’État pour “l’État juif” ni de soutien de sa politique de colonisation et d’expulsion, contraire au droit international.

Le problème, ce n’est pas l’antisémitisme et sa définition – avec des décisions plus que douteuses – mais les esprits passéistes et la xénophobie. De faux amis d’ Israël philosémites scient les bases de la démocratie. La liberté d’expression est valable aussi pour les partisans du BDS et les critiques d’ Israël et elle est un bien précieux qu’il faut défendre. Cela vaut la peine de lutter pour cela.

https://taz.de/Debatte-ueber-die-BDS-Bewegung/!5631712/

https://taz.de/Experte-ueber-Antisemitismusdefinitionen/!5635028/

Nous n’avons pas besoin d’esprits philosémites passéistes qui sapent la liberté d’expression et attisent la xénophobie!

 

 

 

 

 

 

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