Je m’en mêle ! Evelyn Hecht-Galinski Traduction : Christiane Reynaud

Je m’en mêle !

Evelyn Hecht-Galinski

Commentaire du 6 juin 2020

Texte original : https://www.sicht-vom-hochblauen.de/ich-mische-mich-ein-von-evelyn-hecht-galinski/

Traduction : Christiane Reynaud

 

Après avoir lu dans la rubrique« Fremde Federn »   du journal Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) l’article intitulé « Mischen Sie sich ein » (Mêlez-vous en) de Felix Klein, le commissaire du gouvernement fédéral pour la vie juive en Allemagne et la lutte contre l’antisémitisme, je savais que j’étais du bon côté et que je m’en mêlerai !

Poste inutile et abusif

Entre-temps, de nombreuses excellentes publications se sont penchées sur Klein et l’ont démonté, de sorte qu’il ne reste pas grand-chose de ce poste inutile et abusif de la république. L’une des meilleures et des plus pertinentes formulations me semble être celle de Stephan Detjen, le correspondant en chef du bureau de Berlin de Deutschlandradio, qui a qualifié Klein de « garde-barrière discursif ».

Les dommages que Klein a occasionnés en ce qui concerne la liberté d’expression outrepassent tout ce que l’Allemagne et la constitution allemande représentent. Klein croit devoir utiliser les soi-disant théories de conspiration dans la pandémie actuelle du coronavirus pour lancer une offensive tous azimuts et tout mettre dans le même sac, la persécution des Juifs en  période de peste et au Moyen-Age, les négationnistes, les opposants aux vaccins, les extrémistes de droite et le Mossad pour ne citer que quelques exemples de ses accusations. Que veut nous dire Klein ? Qua l’antisémitisme est devenu si fort en Allemagne que son poste est justifié ? Il prouve exactement le contraire !

Klein propage le dangereux virus du racisme

L’extrémisme de droite est en effet devenu un problème massif, à peine remarqué par la politique allemande jusqu’à l’assassinat du préfet de Cassel Walter Lübcke par des extrémistes de droite.  Qu’a fait Klein pour empêcher cela ? Où était-il quand la synagogue de Halle n’a échappé au massacre que par une heureuse coïncidence ? N’aurait-il pas été de son devoir de veiller à ce que des synagogues comme celle de Halle soient protégées ? S’il est responsable de la „vie juive“, on devrait se demander comment la vie juive peut-elle être conciliée avec un poste qui s’occupe plus de défendre « l’État juif » et sa politique criminelle d’occupation et qui ne recule devant rien pour diffamer la critique d’Israël comme étant de l’antisémitisme, les partisans du BDS et les sympathisants du Hezbollah comme antisémites et, comme récemment, de vouloir interdire au philosophe et historien Achille Mbembe de tenir un discours et, par là, d’abuser de son poste gouvernemental pour écarter ce scientifique renommé de toute discussion, selon les directives du lobby pro-israélien. On se demande vraiment pourquoi ce poste totalement inutile a été créé. Pour enfin tuer dans l’œuf pour l’éternité toute opposition et critique de « l’État juif », aussi légitimes soit-elle ? En effet, cela semble être son souci principal, car avec des messages de haine, il obtient exactement le contraire. Une résistance contre lui et son poste va se former. Malheureusement, il faut constamment le répéter : Klein propage le dangereux virus du racisme en défendant inconditionnellement l’un des États les plus racistes du monde. Non seulement il soutient le racisme et le colonialisme, mais il encourage la pandémie de la haine. Il professe la cohésion au sein de la société en temps de crise, mais il obtient exactement le contraire avec ses accusations, ses calomnies et ses attaques contre la liberté d’expression. Pourquoi ne se préoccupe-t-il pas de ce phénomène dangereux que des politiciens et des partis d’extrême droite comme l’AfD soutiennent inconditionnellement « l’État juif » ?

Les „bons“ Juifs sont envoyés en „quarantaine philosémite“

Les Afro-Américains aux États-Unis, de même que les Palestiniens dans leur pays, souffrent du racisme, de la marginalisation et de l’oppression. Où est l’empathie de Klein pour ces conditions insoutenables en Palestine et aux États-Unis ? C’est une raison de plus pour laquelle le poste de Klein est complètement inutile et devrait être supprimé depuis longtemps. Il nous faut enfin, et on ne le répétera jamais assez, un commissaire au racisme qui fasse exactement ce que Klein omet de faire : réagir contre le racisme quotidien en Allemagne et dans « l’État occupant juif ». Ce n’est qu’alors que la vie juive deviendra enfin normalité. Mais Klein veut-il vraiment la « normalité » quand les „bons“ Juifs sont constamment envoyés en „quarantaine philosémite“, avec une évidence qui crée exactement les préjugés qui signifient la marginalisation ?. Quand « l’État juif » sème la propagande haineuse contre les Palestiniens, il faut condamner cela avec la plus grande fermeté mais Klein veut apparemment balayer ce sujet sous le tapis en en détournant l’attention : une tentative plus que minable qui s’est entre-temps avérée contreproductive.  Après les attaques contre Mbembe, de plus en plus d’intellectuels et de scientifiques exigent la démission de Klein comme  symbole du représentant gouvernemental d’une attaque décrétée contre des règles démocratiques. Quand il s’agit de « critiquer Israël » on veut nous faire taire et nous empêcher de nous en mêler !

L’étrier du lobby pro-israélien

De nombreux articles de la rubrique « Fremde Federn » (Plumes étrangères) nous ont habitués à ce que le journal F.A.Z. se fasse l’étrier du lobby pro-israélien : de temps en temps un article « alibi », cela doit suffire. En effet, cela me suffit. En tant que personne critique « qui se mêle », j’en ai assez de n’être informée par diverses médias qu’à leur gré. Il est du devoir des médias importants de nous informer, nous, les consommateurs, également sur les sujets critiques dans « l’État juif » et en Palestine illégalement occupée. Quand des intellectuels juifs et israéliens s’engagent par des discours de solidarité pour que lutter contre l’antisémitisme n’amène pas à la privation de la liberté d’expression et au silence sur la critique d’Israël, cela est une cause importante.  Où étaient le F.A.Z et d’autres médias quand il s’est agi de publier ces appels et ces lettres ouvertes ? Ces intellectuels juifs ne sont-ils pas aussi importants que des anciens fonctionnaires politiques avec leurs appels publiés ? N’est-ce pas  une nouvelle forme d’antisémitisme que le commissaire à l’antisémitisme du gouvernement fédéral favorise ?

Attirer l’attention sur les délits des Musulmans

Oui, M. Klein, « chaque personne » compte dans ce combat pour la liberté d’expression et contre le virus du philosémitisme et devrait critiquer publiquement les crimes de l’occupation juive-sioniste. J’ai aussi remarqué plusieurs fois que vous, M. Klein, n’avait jamais « oublié » de signaler les « délits antisémites commis par des auteurs d’origine arabe » et de douter de leur pourcentage dans les statistiques officielles de la criminalité à motivation politique. Il me semble que votre façon d’attirer l’attention spécialement sur les délits des Musulmans est une manœuvre de diversion. Est-ce la tâche d’un commissaire à l’antisémitisme ?

https://www.sueddeutsche.de/politik/verfassungsschutz-judenhass-islamisten-akte-1.4925890

Icône du « lobby pro-israélien »

Dans la même édition du F.A.Z. Lea Rosch, la présidente de l’association des mécènes pour le Mémorial des Juifs assassinés en Allemagne, a pu défendre Felix Klein dans un article „Er ist unser Wächter und er muss bleiben“ (Il est notre gardien et doit rester). Cette Lea Rosh qui en tant que non-juive essaie par tous les moyens d’apparaître « aussi juive que possible », tapait déjà sur les nerfs de mon père avec son engagement pénétrant pour la construction du Mémorial pour l’Holocauste à Berlin à cause de ce qu’il nommait « sa manière totalement  psychopathe ». A l’époque, mon père ne voulait approuver cette construction et avait plaidé pour elle qu’à condition que ce monument ne soit pas seulement « pour les Juifs européens » mais pour tous les groupes de victimes, ce que Lea Rosh a su empêcher. Mme Rosh a, en plus, l’impertinence de considérer les « affrontements » entre les Israéliens et les Palestiniens et les plans d’annexion du régime israélien comme critiques et veut s’engager pour la « maitrise » de l’antisémitisme et pour la détente des relations israélo-palestiniennes. Mme Rosh me semble plus qu’inappropriée pour cela, car elle est au premier plan des icônes du lobby pro-israélien qui soutiennent toujours « l’État juif » avec ferveur. Qu’elle se soit jamais penchée sur les souffrances palestiniennes ou coloniales des pays arabes ou africains, comme elle prétend, est plutôt douteux.

Ce qui manque à tous ces protagonistes, c’est une vision de la triste réalité du racisme. Les injustices que les Afro-Américains et les Palestiniens subissent sont inouïes. Comme exemples, deux actes de brutalité, la semaine dernière:  à Minneapolis, un citoyen afro-américain a été lâchement tué par un policier américain blanc, et presque en même temps, près de la Vieille Ville de Jérusalem-Est occupée, un jeune palestinien autiste non-armé a été lâchement tué par un policier d’occupation juif. Cette brutalité raciste nous laisse pantois et devrait nous encourager tous à nous « mêler » dans la lutte pour la justice et la liberté de la Palestine.

Quand, si ce n’est maintenant, sera-t-il le bon moment pour le mouvement BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) et le mouvement « Black Lives Matter » (la vie des Noirs compte) de faire tomber ensemble le masque des démocraties hypocrites et de dévoiler les faces hideuses qui se cachent en réalité derrière ? La portée et la résilience de ces deux mouvements importants sont une incitation à s’opposer et à se mêler, face à une deshumanisation aussi évidente.

Une propagande électorale pour se maintenir au pouvoir

Depuis plus de soixante-dix ans, les Palestiniens souffrent sous l’occupation judéo-sioniste, le colonialismes d’implantations et le régime d’apartheid.  La situation est presque identique pour les Noirs des États-Unis : ils ont été et sont encore discriminés et on leur refuse le droit constitutionnel de protester contre ces conditions brutales. Ce racisme extraordinaire a toujours été présent dans la société américaine et a été plus ou moins accepté comme „un état normal“. Mais tant qu’il n’y aura pas de vaste mouvement pour réformer la police et le système d’armement, et pour améliorer le fossé social et l’éducation de toutes les couches de la population, rien ne changera jamais. Certainement pas avec ce président qui foule la Constitution aux pieds, qui se livre à une propagande électorale populiste pour se maintenir au pouvoir, qui passe outre les traités internationaux et tout sens moral, qui divise son pays et fait la guerre à son propre peuple.

Aucun des deux États, le juif et les États-Unis, n’est disposé à tolérer même les protestations pacifiques. Je ne me rappelle que trop bien du racisme juif aux États-Unis quand mes parents d’accueil juifs, survivants de camps de concentration et de l’Holocauste, m’ont interdit d’amener à la maison un camarade d’école noir de mon collège, ce qui m’avait laissée sidérée et mise tellement en colère que nos relations ont été gâchées pour toujours. De même, j’avais fait l’expérience du racisme quotidien, associé à de l’arrogance, en Israël peu après 1967, ce qui m’a conduite par la suite à éviter cet « État juif ».

Personnes indésirables à la Maison Blanche

Je ne me souviens que trop bien aussi de manifestations de solidarité de nombreux sportifs et footballeurs musulmans lors de l’attaque génocidaire de Gaza : elles ont été immédiatement interdites par la Fédération allemande de football (DFB) sous peines de mesures punitives. Entre-temps, les temps semblent avoir changé sous la direction du nouveau patron de la DFB, M. Keller. Pour moi, c’était un sentiment de déjà vu lorsqu’il y a eu des manifestations de solidarité et de protestations comme l’action de se mettre à genoux par réaction au meurtre de George Floyd, en référence à l’année 2016 où Colin Kaepernick a montré le chemin et s’est mis à genoux comme symbole contre le racisme. Toute l’équipe de Liverpool dirigée par Jürgen Klopp a également suivi cette protestation pacifique et impressionnante. Le président américain Trump a répondu à ces protestations en déclarant Kaepernick « personne indésirable » et est devenu, lui le  président qui encourage la division et le racisme, le symbole de la destruction. Il faut espérer que, tout comme son gendre Kushner, le tireur de ficelles à l’arrière-plan, ils deviennent bientôt aussi des personnes indésirables à la Maison Blanche et seront sanctionnés par les électeurs.

https://www.sueddeutsche.de/sport/bundesliga-protest-thuram-floyd-1.4923967

https://www.sueddeutsche.de/sport/nfl-protest-rassismus-kaepernick-1.4924932

https://www.aljazeera.com/indepth/interactive/2020/05/mapping-police-killings-black-americans-200531105741757.html

Diabolisation en tant qu’antisémites et terroristes

Grâce à des sportifs courageux comme Kaepernick, se mettre à genoux est devenu un moyen de protestation privilégié dans la lutte contre le racisme, partout sauf dans « l’État juif » où les Palestiniens et des partisans du mouvement BDS sont diabolisés en tant que « terroristes » et « antisémites ». En Allemagne aussi, nous subissons cette diabolisation, dont les effets ont de graves conséquences pour les individus et les organisations.

« Enlevez vos genoux de nos cous »

Selon les médias américains, plus de 7000 personnes dont un nombre disproportionné de citoyens afro-américains ont été tuées par des policiers américains au cours des six dernières années. Les Noirs américains ont deux fois et demie plus de risques d’être tués que les Blancs. . Heureusement, le meurtre brutal de George Floyd a été filmé, tout comme celui d’Eric Garner en 2014. La dernière exclamation désespérée de Floyd, „Je ne peux pas respirer“, est devenue le cri de guerre des manifestants du monde entier contre la brutalité, le racisme, l’impuissance et l’injustice. Il a été poignant d’entendre à Minneapolis le discours du militant bien connu pour les droits civiques Al Sharpton qui a stigmatisé les siècles d’oppression des Noirs aux Etats-Unis et dit : « Les Blancs ont toujours eu leur genou sur notre cou, il est temps pour nous de nous lever en hommage à George Floyd et de dire ; enlevez vos genoux de nos cous ». Après ce discours impressionnant, les participants à la cérémonie ont gardé le silence pendant exactement huit minutes et 46 secondes, précisément le temps  pendant lequel le policier blanc Derek Chauvin est resté agenouillé sur le cou de George Floyd.

https://www.trtworld.com/magazine/palestinians-offer-solidarity-with-black-america-s-struggle-for-justice-36884

https://www.spiegel.de/politik/ausland/george-floyd-buergerrechtler-al-sharpton-haelt-emotionale-trauerrede-in-minneapolis-a-622a483e-7be0-4f59-a99b-85d4b60b2cad

« L’État juif » a, quant à lui, blessé et assassiné des centaines de milliers de Palestiniens non-armés et sans défense. Nous avons encore à l’esprit les images terribles de la « Marche du retour » à la frontière illégale du camp de concentration de Gaza, en 2018. En Cisjordanie illégalement occupée et dans le blocus inhumain de Gaza des Palestiniens sont presque quotidiennement blessés ou assassinés par les forces sionistes d’occupation. Ils sont livrés à l’arbitraire criminel des colons juifs qui, non seulement leur volent leurs terres avec l’aide de l’armée d’occupation israélienne IDF, mais la défendent aussi avec une violence meurtrière. D’autres Palestiniens sont expulsés ou leurs maisons sont détruites. Selon l’occasion, à l’aide de punitions claniques et collectives comme des raids et des couvre-feux, on leur empêche l’accès à l’Esplanade des Mosquées.

Les mouvements Black Lives Matter et BDS se solidarisent

Tout comme les crimes de la police américaine, les crimes des troupes d’occupation sionistes et des colons juifs ne sont possibles qu’à cause du silence de la communauté internationale. C’est une raison pour laquelle il faut enfin s’en mêler quand les droits fondamentaux sont si brutalement violés. Il faut se féliciter que le mouvement BDS ait annoncé déclarer sa solidarité et son soutien inébranlables aux manifestations « Black Lives Matter ». Déjà en 2016, le mouvement « Black Lives Matter » avait agi de manière exemplaire en accusant « l’État juif » de « génocide » envers les Palestiniens ; il s’était solidarisé avec le mouvement BDS et avait exigé la fin du soutien des États-Unis à l’État occupant d’apartheid. Cette déclaration a été rédigée par plus de 50 organisations et a constitué la vision du mouvement „Black Lives Matter“. Notre gouvernement qui se sent moralement obligé envers la démocratie et les droits de l’homme et prône constamment les « valeurs », devrait enfin se joindre à cette comception.  Mais il ne faut pas y compter. En parler pompeusement ne coute pas cher – agir selon les « valeurs » serait à l’ordre du jour !

https://www.trtworld.com/magazine/palestinians-offer-solidarity-with-black-america-s-struggle-for-justice-36884

Tout comme l’Afrique du Sud a vaincu l’apartheid et le système raciste, tous les mouvements politiques devraient s’unir pour lutter contre le racisme sioniste, l’occupation illégale et l’oppression brutale des citoyens noirs par les États-Unis. « Black Lives Matter » et les mouvements pour la liberté de la Palestine sont une force puissante que nous devons soutenir tous ensemble.

Nous nous en mêlons !

 

 

 

 

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