Le droit d`exister pour une Palestine libre

Le droit d’exister pour une Palestine libre!
3 mai 2017 – Evelyn Hecht-Galinski
Traduction : Christiane Reynaud

Géniale, la façon dont Nétanyahou a encore une fois réussi à détourner l’attention des propres crimes sionistes en tenant le public en haleine avec son refus de rencontrer le Ministre allemand des Affaires Étrangères Gabriel. Plus personne ne parle des méfaits révélés par les groupes militants pour les droits de l’homme que le Ministre Gabriel a, à juste titre, rencontré.

Alors que les médias étaient pleins d’articles sur Nétanyahou et Gabriel, la grève de la faim, commencée le 17 avril et à laquelle participent entre-temps plus de 1800 prisonniers palestiniens, passait inaperçue. Les prisonniers protestent contre les pratiques, courantes dans « l’État Juif », comme l’isolement cellulaire, la torture, la maltraitance, les négligences dans l’aide médicale, la violation de droits internationalement garantis, y compris leur droit à un procès équitable. Un grand nombre de ces prisonniers palestiniens en grève de la faim ont été transférés dans des cellules individuelles. On leur refuse aussi la visite de leurs familles et le contact avec des avocats. Actuellement plus de 7.150 prisonniers politiques palestiniens sont incarcérés en Israël dont environ 6300 hommes et 300 jeunes garçons ainsi que 56 femmes (parmi lesquelles 13 jeunes filles). De plus, approximativement 500 Palestiniens dont 2 enfants sont en détention administrative, c’est-à-dire incarcérés pour un temps indéterminé sans accusation ni procès. Les tribunaux militaires devant lesquels les Palestiniens sont accusés ont un taux de condamnation de 99,7 %. Selon Amnesty International, les instructions contre les Palestiniens ne sont pas conformes aux normes internationales pour des procédures judiciaires équitables. Source : traduction du rapport de la European Coordination of Committes and Associations for Palestine des Femmes en Noir, Vienne, mouvement lui-même membre de la ECCP.

Ce serait vraiment un sujet médiatique que, précisément le jour de la commémoration de la Shoah et du début des festivités du Yom Ha’atzmaout, le Jour de l’Indépendance et le 69ème anniversaire de « l’État Juif d’apartheid», et des festivités du Yom Hazikarin, la journée du Souvenir pour les soldats de l’Armée de défense d’Israël tués au front ainsi que pour les victimes (juives !) de la terreur , que, ce jour-là, on annonce la construction de 15.000 nouveaux logements dans la ville illégalement occupée de Jérusalem et, qu’à cause de ces festivités, on verrouille les territoires palestiniens. Bien sûr, la peur des protestations est grande quand on s’est rendu si coupable que cet « État Juif d’occupation » !

Entre la commémoration de la Shoah, avant les festivités pour la Journée du Souvenir pour les soldats et le prochain 69ème anniversaire de l’Indépendance, le monde ne parle plus que des états d’âme d’un Premier Ministre qui jongle avec les reproches de corruption et une politique d’extrême-droite.

En vérité, il est choquant qu’en Allemagne on se serve encore de critères particuliers quand il s’agit de critiquer « l’État Juif ». Cette attitude philosémite est un crime antisémite qui marginalise à nouveau des citoyens juifs, qui les voient comme quelque chose de « particulier » et en vertu du passé nazi, ne les voient jamais comme coupables mais toujours comme victimes. Il faut absolument s’opposer à cette politique déplacée.

Nous ne devons pas continuer à nous taire sur cette injustice, sur les 50 ans d’occupation de la Palestine et 69 ans après la Nakba. Nous nous rendons coupables une nouvelle fois !

La loi plus qu’antidémocratique sur la transparence que le régime de Nétanyahou a adopté l’été dernier contre les groupes de défense des droits de l’homme comme « B’Tselem », « Breaking the Silence » et « Zochrot », vise les messagers de la vérité détestée. Comme nous le savons tous entre-temps, les sionistes ne craignent rien de plus que la vérité.

La vérité sur les atteintes aux droits de l’homme par « l’Armée de défense Juive » est si cruelle que le gouvernement supporte difficilement qu’elle soit rendue publique. L’organisation « Breaking the Silence » a été créée en 2004 par d’anciens soldats de l’armée de défense d’Israël pour dénoncer les nombreuses transgressions et les nombreux crimes de l’IDF (Armée de défense d’Israël) dans les territoires illégalement occupés. Ils furent l’objet d’une véritable haine qui se transforma en une campagne de dénigrement d’une intensité inouïe, après des témoignages terribles sur les attaques de Gaza.

Entre-temps le « roi des colons » et « Ministre de l’Éducation » de « l’État Juif » Naftali Bennett, la Ministre de la Justice Ayelet Shaked ainsi que la Ministre des Affaires culturelles Miri Regev ont déclaré la guerre aux ONG, banni ces organisations des écoles et leur interdit l’accès aux institutions de l’armée. On les traites de « taupes », de « dénigreurs » et de « traitres » payés par l’étranger pour diffamer « l’État Juif ». Cependant cette loi ne vise que les organisations « de gauche » qui reçoivent des aides de l’étranger alors que les organisations d’extrême-droite comme « Im Tirtzu » versent ouvertement de l’argent à des soldats israéliens meurtriers et à leurs familles, se livrent à des campagnes déloyales de dénigrement contre les NGO libérales et rendent le fascisme « présentable » en Israël.

Gabriel a fait ce qui est courant pour un Ministre des Affaires Étrangères : une rencontre avec des défenseurs des droits de l’homme qui sont une lumière dans les ténèbres fascistes et sionistes en Israël. Tous les politiciens allemands en visite en Israël ne devraient pas seulement faire une visite de convention à Yad Vaschem, le mémorial de la Shoah, mais reconnaître enfin la réalité de l’occupation illégale de la Palestine, en parler ouvertement et la critiquer.

Nétanyahou a organisé un tumulte dans la politique intérieure pour consolider son pouvoir entre les affaires de corruption et ses adversaires politiques. Tous les moyens ont été bons pour faire éclater un scandale. Il a encore fait déborder le vase en prétendant que Gabriel s’était rencontré avec ces « ennemis d’Israël » le jour même de la commémoration de la Shoah. Gabriel a rétorqué que c’était une bonne tradition démocratique de rencontrer des organisations critiques lors des voyages à l’étranger et il savait qu’il n’avait pas que l’accord de la Chancelière.

Il est en effet temps que la politique allemande prenne une nouvelle orientation. La journée commémorative de la Shoah devrait être justement un avertissement clair de ne « plus jamais » permettre de crimes contre l’humanité.

La politique extérieure allemande a omis depuis des années, voir depuis des décennies, de se comporter aussi « normalement » qu’il faudrait envers Israël quand « l’État Juif,» qui se déclare lui-même comme « l’unique » démocratie au Proche-Orient, pratique l’occupation illégale, l’épuration ethnique et la judaïsation. J’attends avec impatience de voir comment se déroulera la prochaine visite de Steinmeier en Israël, d’autant plus qu’on lui attribue une particulièrement bonne relation avec les amis juifs. Les deux côtés ne se lassent pas de souligner leur relation « particulière », là aussi, une raison de douter de la démocratie, Monsieur le Président !

La Chancelière Merkel se solidarise avec les attaques israéliennes car elles n’ont lieu que par « autodéfense », elle a décrété par « ordre de la Maman nationale » que la sécurité d’Israël soit raison d’État en Allemagne et elle répète encore maintenant le mantra de la « solution à deux États ».

Cependant, quand la Chancelière Merkel a annulé les consultations gouvernementales, apparemment pour des raisons de calendrier en cette année électorale – mais, d’après ce qu’on entend dans les milieux gouvernementaux, par mécontentement causé par l’éternelle politique de colonisation contraire au droit international – Nétanyahou a dû trouver une riposte et que pouvait-il trouver de mieux que de prendre le Ministre des Affaires Étrangères comme cible ?

Combien de temps le gouvernement allemand va-t-il encore entretenir cette relation « particulière » aves « l’État Juif d’apartheid » ?

Effectivement, Israël commence à craindre que l’Allemagne réduise son aide aveugle et sans réserve. Ce serait un pas important pour arriver enfin à une relation « normale ».

Malheureusement ce vœu pieux est utopique. Le régime de Nétanyahou essaie constamment d’instrumentaliser la Shoah pour ses intérêts et cela fait encore de l’effet en Allemagne. Le lobby d’Israël et le Conseil central des Juifs instrumentalisent l’antisémitisme et lancent des campagnes pour détourner l’attention des crimes israéliens de l’occupation. La politique allemande a laissé bien trop longtemps le lobby prendre des formes inquiétantes en Allemagne aussi : il veut faire passer tous les critiques d’Israël pour des ennemis de Juifs.

Dans la Jüdische Allgemeine, l’hebdomadaire militant du Conseil central, est apparu un article qui admet « l’éthique de l’attaque préventive » en tant que tradition juive pour une autodéfense préventive : cette éthique judaïque se concrétise dans « l’État Juif » presque quotidiennement. Entre-temps, le régime de Nétanyahou reconnaît même ouvertement ses bombardements militaires contre des États souverains comme la Syrie, le Liban ou bientôt n’importe où, et la communauté de valeurs hypocrite hoche la tête comme si c’était normal – Voilà en ce qui concerne « l’éthique juive », le « Onzième Commandement » : « Israël a tous les droits » !

C’est pourquoi nous devons nous défendre contre la tentative d’israéliser l’Allemagne !

Le président du Conseil central des Juifs vient de donner des interviews avec, comme idée maîtresse : « La critique d’Israël est le nouvel antisémitisme ». A côté de ça, encore un coup bas contre les immigrants musulmans qui portent en eux le gène de « l’antisémitisme musulman » et la potée empoisonnée sioniste est prête ! Schuster n’a pas pu s’empêcher de représenter une fois de plus la politique israélienne de Nétanyahou en Allemagne en reprochant à Gabriel de ne pas avoir rencontré les organisations que le régime de Nétanyahou lui avait proposées.

Pourquoi accepte-t-on sans contestation tout ce qui vient d’organisations juives ? Quand est-ce qu’un représentant du gouvernement posera au Conseil central ou à d’autres organisations du lobby les bonnes questions : quand vont-ils enfin prendre leurs distances envers la politique illégale d’occupation de « l’État Juif » ? Quelle différence a a-t-il entre les citoyens juifs et les autres ? Quand des Turcs allemands s’engagent pour Erdogan, cela déclenche une tempête d’indignation mais quand des citoyens allemands juifs avec seulement un passeport allemand se mobilisent pour Nétanyahou, cela est accepté sans la moindre critique, oui, même considéré comme normal, vu notre passé. Comment se fait-il que des jeunes Juifs allemands veuillent aller s’engager volontairement dans « l’Armée de défense juive » (IDF) pour combattre ouvertement et, en fin de compte, stabiliser l’occupation illégale ou attaquer des États souverains, tous des « ennemis » ? Bien entendu, ce sont des citoyens/citoyennes soi-disant allemands qui se comportent de cette façon. On peut se poser des questions ! J’ai été très étonnée d’entendre l’ancien « professeur de l’Armée fédérale allemande » Wolffsohn critiquer à juste titre dans une interview que l’Armée fédérale penchait beaucoup à droite depuis que le service obligatoire a été supprimé et raconter que, lors de son embauche, il avait été questionné sur ses éventuels contacts avec des communistes mais pas sur le service militaire qu’il avait fait bénévolement dans l’IDF. En effet, la question se serait posée tout naturellement : qu’en est-il de sa loyauté envers l’État allemand ? Mais qu’y a-t-il de normal dans ces relations ?

Est-ce normal qu’un Ministre de l’Intérieur allemand dresse une liste de 10 points pour une culture de référence allemande avec comme slogan : « Nous ne sommes pas burqa » et des exigences bizarres comme les poignées de main, le visage découvert et, naturellement, comment pourrait-il en être autrement, l’adhésion à la relation « particulière » et au droit d’exister d’Israël. Ce ministre de l’Intérieur est un fardeau lourd à porter pour tous les démocrates en Allemagne et n’a que peu de partisans comme le beau parleur chrétien-démocrate Bosbach et l’adjointe du parti chrétien-démocrate Klöckner. Qu’un ministre de l’Intérieur allemand réclame à nouveau une culture dominante allemande selon la vieille devise « Am deutschen Wesen soll die Welt genesen » (Le monde va guérir par la présence allemande)….. !!

Il me semble cependant que cette initiative plus que gênante et déplacée est une manœuvre pour détourner l’attention des tendances d’extrême-droite dans l’Armée fédérale et du cas invraisemblable du lieutenant de l’Armée fédérale Franco A. qui a pu se faire passer pour un réfugié syrien, même sans connaissances de la langue arabe !

Après ces nombreuses pannes et ces scandales dans l’Armée fédérale, la « Ministre fédérale de la guerre Ursula von der Leyen, notre Ursula fédérale » devrait tirer les conséquences et se laisser jouer la cérémonie militaire d’adieux car elle n’a plus rien sous contrôle en dehors de son look super-soigné.

Quand le Président fédéral Steinmeier considère la démocratie en danger et exhorte les Allemands à s’engager davantage, il devrait plutôt se demander ce qu’il entend vraiment par démocratie et quel danger elle court. Est-ce que ce sont les décisions arbitraires de la Chancelière en toutes causes, comme la raison d’État pour la sécurité d’Israël, le droit d’exister pour un État sans frontières, les entraves au droit à la liberté d’opinion quand il s’agit de critiquer « l’État Juif » et, à la clé, environ 80 événements annulés ou entravés comme des conférences, des congrès et des expositions organisés par des communes ou des institutions religieuses quand elles sont critiques au sujet de la politique de « l’État Juif » envers la Palestine ou quand des mots comme « occupation » ou « soutien au mouvement BDS » sont prononcés. Encore plus préoccupant est cependant le fait que, 72 ans après la libération d’Auschwitz, on interdise à nouveau la parole à des conférenciers juifs, n’est-ce pas de l’antisémitisme, ça ? Les ventes d’armes et les cadeaux à « l’État Juif », constamment de nouvelles interventions militaires pour l’Armée fédérale, la politique arbitraire à l’égard des réfugiés, l’exemption de visas pour l’Ukraine et les sanctions contre la Russie alors que la Turquie n’a droit, depuis des décennies, qu’à de vaines promesses. La prétention au leadership allemand en Europe sous le commandement d’une Commission européenne et d’un président qui a été lui-même impliqué dans un scandale d’évasion fiscale au Luxembourg, donc d’une Union européenne qui est devenue une « gare d’expulsion » pour politiciens en cavale, l’aide massive à la Grèce, le sauvetage des banques aux frais des contribuables, la formation de soldats allemands en Israël, la formation de soldats saoudiens en Allemagne, une alliance anti-terreur plus que douteuse, des deals plus que contestés au sujet des réfugiés, la suppression du service militaire obligatoire, le tournant énergétique, la politique étrangère de style seigneurial, la politique intérieure aux dépens des Musulmans et des idées de culture dominante extrêmement anti-démocratiques, tout cela arbitrairement et sans passer par un référendum… Oui, cela crée une frustration démocratique, Monsieur Steinmeier, et ne favorise pas la démocratie.

Pour finir, je voudrais souligner que je ne reconnaitrai le droit d’exister que pour une Palestine libre, sur pied d’égalité pour tous ses citoyens, ses ethnies et ses religions.

C’est pourquoi je voudrais terminer avec les mots de la sociologue juive Judith Butler qui exprime si pertinemment tout ce que je ressens moi-même, et que je soutiens de tout mon cœur :

Judith Butler s’oppose à l’assimilation des termes judéité et sionisme et déclare en même temps que la résistance antisioniste est un devoir juif :

« De la même façon qu’on doit se défendre contre le contrôle hégémonique du judaïsme par le sionisme, on doit se défendre contre l’oppression colonialiste que le sionisme a infligé au peuple palestinien. »

Ainsi, le « démontage du sionisme politique » est la condition pour une coexistence. Une nouvelle éthique postsioniste pourrait être la base pour l’époque après l’occupation – Judith Butler considère que, non seulement Gaza et la Cisjordanie comme occupés mais Israël tout entier, car elle estime que la création de l’État était, à la base, déjà illégitime.

Pour finir je voudrais souligner que je ne reconnaitrai le droit d’exister que pour une Palestine libre, sur pied d’égalité pour tous ses citoyens, ses ethnies et ses religions, en cela j’approuve entièrement la nouvelle Charte du Hamas.
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Version originale avec sources :

Existenzrecht für ein freies Palästina!

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