Le droit a la patrie Evelyn Hecht-Galinski Traduction Christiane Reynaud

Le droit à la patrie

Evelyn Hecht-Galinski

Commentaire du 28 février 2018

Texte original : https://www.sicht-vom-hochblauen.de/53200-2/

Traduction : Christiane Reynaud

 

Lorsque lundi dernier, lors du congrès du parti chrétien-démocrate CDU à Berlin, la Chancelière Merkel, comme à son habitude, posa les jalons pour la « dignité humaine chrétienne », l’hypocrisie de ses déclarations était si évidente qu’on ne pouvait que se détourner avec dégoût. Ensuite, la ministre de la Culture Monika Grütters a encore mis en garde contre une « déchristianisation » de la société qui ne se réclame plus de son identité chrétienne. Quand elle fit également référence à « l’Histoire empreinte du christianisme » et à ses valeurs que tous les chrétiens, y compris les politiciens, devraient reconnaitre publiquement, j’ai pensé que cette ministre de la Culture devrait immédiatement démissionner car elle ne connait rien à la culture qui n’a absolument rien à voir avec des valeurs religieuses.

 

Déjà, la cérémonie religieuse œcuménique au début démontre qu’aucun citoyen qui se sent obligé, non envers Dieu mais envers les valeurs démocratiques, ne peut voter pour ce parti. Je ne comprends pas comment des citoyens non chrétiens peuvent voter pour un parti qui ne jure que sur les valeurs chrétiennes en se signant avant un congrès. C’est déjà insupportable pour moi en tant « qu’athée laïque », qu’est-ce que ça doit être pour les musulmans ou pour les juifs ?

 

Et même si la CDU contient le mot « chrétien(ne) » dans son nom, ce n’est pas le devoir d’un parti politique de mêler le christianisme à la politique. Cette cérémonie me fait penser aux politiciens américains qui, dès le début, apportèrent cet accent de religiosité aux Etats-Unis.

 

Bien que le représentant de la conférence épiscopale de Berlin, le prélat Karl Jüsten, ait trouvé les mots justes et demanda de prendre en compte les différents intérêts des Chrétiens, des Musulmans, des Juifs, des personnes d’autres croyances, des agnostiques et des non-croyants et de prendre comme objectif d’une entente de coalition la « conciliation des exigences différentes et des intérêts parfois contradictoires », je suis malgré tout d’avis qu’une cérémonie religieuse n’est pas le moyen adéquat de commencer un congrès de parti politique.

 

Quand on a pour objectif de s’engager pour la paix et la justice, on ne devrait pas dénigrer les critiques d’Israël, les militants du mouvement BDS et les activistes pro-palestiniens en tant qu’antisémites ni refuser de mettre des locaux à leur disposition pour leurs manifestations. En fin de compte, ce sont eux qui s’engagent pour la paix et la justice.

 

A-t-on oublié les Palestiniens ?

 

Quand la présidente de la CDU et Chancelière Merkel déclare que la dignité humaine « chrétienne » est la base et la boussole de la dignité de l’homme dans la liberté et la sécurité, elle oublie chaque fois – conformément à sa vision chrétienne-sioniste du monde – la liberté de la Palestine et la dignité des Palestiniens !

 

Avec des formules toutes faites comme « refus d’intégration », limites de sécurité, réglementation, elle masque une politique d’intégration complètement ratée.

 

Ensuite, Martin Dutzmann, le représentant du Conseil de l’Église protestante d’Allemagne (EKD) fit appel à la grande responsabilité en tant que membre du parti et « personne chrétienne ». Il rappela que les Juifs et les Chrétiens avaient le devoir d’assurer la protection des réfugiés. De belles paroles, mais vraiment irréalistes ! Il devrait s’informer comment fonctionne en ce moment la « protection » des réfugiés dans « l’État juif » où ont lieu, parait-il, des expulsions massives de réfugiés noirs qui n’ont le choix qu’entre l’expulsion et la prison.

 

Je regrette qu’il n’y ait pas eu pendant ce congrès de parti « chrétien » de condamnation de « l’État juif » pour son nouveau projet de loi qui doit permettre à l’État d’exproprier les biens des Églises ainsi que d’imposer des taxes municipalesà leurs administrations, ce qui est contraire au statu quo et doit être considéré comme une campagne systématique contre les Églises et contre la communauté chrétienne en « Terre Sainte ».

 

Comme l’ont déclaré des représentants des Églises dans une lettre, cette loi est discriminatoire et raciste » et elle foule aux pieds les relations entre les communautés chrétiennes et les autorités israéliennes. Pour protester contre ce projet arbitraire, l’église du ´Saint-Sépulcre a été fermée pour une durée indéterminée. Où est restée la « solidarité chrétienne » allemande avec les Églises en « Terre Sainte occupée » et pourquoi cette provocation d’Israël n’a-t-elle pas été sujet de discussion au congrès du parti ?

 

Après les provocations extrémistes racistes juives sur l’Esplanade des mosquées contre les Musulmans et leurs sanctuaires, ce sont maintenant les Chrétiens qui sont visés dans « l’État juif ». Que doit-il encore arriver avant que les politiciens et les « hypocrites des valeurs » allemands réagissent et se décident à prendre des sanctions contre ce régime d’occupation ?

 

Droit de retour des Palestiniens dans leur pays

 

J’en reviens à la Palestine où la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies attend toujours d’être appliquée, à savoir le droit légal des Palestiniens de retourner dans leur patrie, la Palestine. Cette année 2018 précisément, où les politiciens chrétiens vont fêter avec les fonctionnaires juifs et les représentants de « l’État juif » les 70 ans de la fondation d’Israël et tairont le fait que cette fondation du 15 mai 1948 déclencha la Nakba, la catastrophe, et le nettoyage ethnique de la Palestine.

 

Est-ce ça qu’on appelle une « vision chrétienne du monde » et des « valeurs chrétiennes » quand ces politiciens « chrétiens » ne veulent pas se laisser gâcher le plaisir par la fuite et l’expulsion de plus de 900.000 Palestiniens de leur pays et par les centaines de villages rasés par « l’armée de défense » israélienne ?

 

Conformément au vœu des pères fondateurs, la première pierre de la judaïsation de la Palestine fut posée à cette époque, un pays juif à minorité palestinienne. Les Palestiniens restants furent soumis jusqu’en 1966 à un gouvernement militaire sioniste qui devint en 1967 un régime d’occupation unique par sa brutalité.

 

En réalité, « l’État juif » n’avait été admis aux Nations Unies qu’à condition que la résolution 194 du 11 décembre 1948 soit appliquée et que les réfugiés palestiniens soient autorisés à revenir dans leur pays ou bien que ceux qui ne veulent pas retourner en Palestine soient indemnisés pour la perte de leurs biens.

http://www.freunde-palaestinas.de/al-nakba/172-das-rueckkehrrecht-der-palaestinensischen-fluechtlinge.html

 

Depuis cette époque, le 11 décembre est une journée de protestation pour les Palestiniens. Ils manifestent dans le monde entier pour l’application de leur droit de retour dans leur patrie et nous devrions tous les soutenir dans ce but.

 

Ce n’est pas surprenant que les régimes occupants juifs refusent ce droit aux Palestiniens : la reconnaissance de ce droit entraînerait l’élucidation historique complète des crimes de la Nakba, ce qui s’impose depuis longtemps.

 

Depuis 70 ans, ce droit leur est refusé également avec l’aide de la « communauté de valeurs judéo-chrétiennes ». Mais, la clef en main comme symbole du retour, ils ne cèdent pas et il va de soi que ce droit revient aussi aux descendants des personnes expulsées.

 

Il ne s’agit pas du « souhait » du lobby pro-israélien que les États arabes naturalisent les réfugiés mais que la résolution 194 de l’ONU soit appliquée et que les réfugiés puissent faire valoir leur droit légitime de retour.

 

Dans ce contexte, il ne faut pas oublier le fait important que cette résolution ait été adoptée à l’unanimité ( !) un jour seulement après la « Déclaration des droits de l’homme » dont l’article 13 confirme clairement que « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. ».

 

Les régimes juifs ont empêché jusqu’à maintenant l’application de ce droit en adoptant à la Knesset en 1950 deux lois totalement contraires au droit international – « Law of Return » et « Absentee Property Law » – qui ne garantissent qu’aux Juifs du monde entier le droit de « retour » alors qu’elles exproprient les Palestiniens « absents ».

 

Tant que la communauté internationale hypocrite ne résoudra pas cette injustice, il ne pourra pas y avoir de paix.

 

En réalité, on constate de plus en plus que ni les Etats-Unis ni « l’État juif » ne sont intéressés par une paix qui apporterait la liberté aux Palestiniens.

 

Depuis que le président américain Trump a reconnu Jérusalem comme capitale de « l’État juif » et a annoncé son intention de déplacer l’ambassade des Etats-Unis de Tel Aviv à Jérusalem le 14 mai 2018 en guise de « cadeau d’anniversaire », le régime de Netanyahou ne peut plus réfréner sa joie. Netanyahou a qualifié cette nouvelle « d’historique pour le peuple juif ( !) » et a directement annoncé l’implantation de nouvelles colonies – contraires au droit international -. De cette façon, ces deux « hommes d’État » peuvent parfaitement détourner l’attention de leurs problèmes.

 

Hypocrisie écœurante

 

Comment pouvons-nous accepter que l’alliance occidentale, l’Allemagne en particulier, tolère qu’on refuse aux Palestiniens leurs droits garantis alors qu’on concède à « l’État juif » tous les droits, ou plutôt toutes les injustices, en tant que « réparation » pour les crimes de l’Allemagne lors de la Shoah ? On ne peut que se détourner avec dégoût de cette hypocrisie écœurante. Ne serait-il pas temps, 73 ans après la libération d’Auschwitz, d’accorder leurs droits aux Palestiniens en tant que dernières victimes innocentes d’Hitler ?

 

N’oublions jamais qu’il n’y a pas « d’identité juive », ni de « peuple juif » mais seulement une religion juive et une identité israélienne qui veulent absolument s’imposer par l’exigence de la reconnaissance en tant « qu’État juif ». De cette façon, « l’État juif » s’est définitivement disqualifié en tant que « démocratie » !

 

Par l’oppression et l’occupation illégale permanentes de la Palestine, les descendants des victimes sont devenus des criminels contre lesquels on a le droit de résister.

 

Cette politique d’expulsion et d’occupation meurtrière ne serait pas possible si les Etats-Unis et « l’alliance occidentale de valeurs » n’y avaient pas d’intérêts politico-militaires. Ils ont fait des régimes juifs des remparts contre la soi-disant « menace islamique », ce qui s’est cruellement intensifié après les attentats du 11 septembre.

 

Ce racisme envers les Musulmans et l’islam est devenu entre-temps une « guerre antiterroriste des cultures » qui ne peut pratiquement plus être stoppée car beaucoup d’États et de citoyens ont été contaminés par ce virus. C’est une stratégie très dangereuse qui nous apportera encore beaucoup de mal.

 

A quoi devons-nous nous attendre si Horst Seehofer, le cauchemar bavarois, devient le nouveau « super-ministre  de l’Intérieur, de la Patrie et de la Construction » tout à fait dans la tradition du ministère fédéral pour personnes déplacées, réfugiés et victimes de guerre, qui a existé jusqu’en 1969 ? Je me souviens encore avec effroi de l’ancienne Fédération des expulsés que le Chancelier Adenauer a laissé prendre part au gouvernement. C’était une bande de revanchistes tournés vers le passé qui a massivement influencé la politique, a combattu les traités avec l’Est (Ostverträge), a soutenu le réarmement et représentait déjà autrefois l’esprit du gouvernement bavarois qui a toujours soutenu ces associations d’expulsés de l’est.

 

Le droit à la patrie en tant que droit de l’homme

 

Je me souviens encore très bien d’une interview qu’Edmont Stoiber, alors Premier ministre bavarois, donna en 2007 au journal Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) où il qualifiait le droit à la patrie de « droit de l’homme ». Mais il faisait allusion, en tant que parrain de la Journée des Allemands des Sudètes, au tort subi par les expulsés allemands en République tchèque. Pour cette raison, le parti CSU avait voté contre l’admission des Tchèques dans l’Union Européenne. Ne serait-il pas temps d’exiger la même chose de « l’État juif », de s’occuper enfin sans réserve et idéologiquement neutre de son propre passé, car le droit à une patrie comme droit humain est une question fondamentale de la communauté européenne de valeurs? L’objectif de Stoiber était que la République tchèque aborde la question de l’expulsion des Allemands ouvertement et objectivement.

http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/edmund-stoiber-im-interview-heimatrecht-ist-ein-menschenrecht-1437053/stoiber-die-raketenfrage-ist-1451895.html

 

Les politiciens allemands devraient enfin exiger la même chose de « l’État juif » !

 

Si le ministre bavarois de la CSU Seehofer entre maintenant au nouveau « super-ministère » selon le modèle américain de « protection de la patrie » c’est mauvais signe pour la politique d’intégration des réfugiés. La « non-culture » des tentes à bière arrivera-t-elle à Berlin et servira-t-elle d’arbitre entre les dirndls, la bière, les chanteurs de tyrolienne et la nouvelle « culture dominante » ?

 

Nous en arrivons à nouveau au droit à la patrie, au droit de retour que les Nations Unies avaient décrété pour les Palestiniens expulsés mais dont ils attendent aujourd’hui encore l’application !

 

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