En période de pogroms et de génocides Evelyn Hecht-Galinski Traduction : Christiane Reynaud

En période de pogroms et de génocides

Evelyn Hecht-Galinski

Commentaire du 9 novembre 2021

Texte original : https://www.sicht-vom-hochblauen.de/in-zeiten-von-pogromen-und-genoziden-von-evelyn-hecht-galinski/

Traduction : Christiane Reynaud

 

Le 9 novembre est, en effet, le jour historique central de l’Allemagne et, 83 ans après la « Nuit de cristal du Reich », devrait être traité aussi comme un « Jour fatidique ». Une fois de plus, je contredis le président du Conseil central des Juifs d’Allemagne Josef Schuster qui ne voudrait consacrer le 9 novembre qu’aux Juifs.

https://www.deutschlandfunk.de/zentralrat-der-juden-schuster-gegen-allgemeine-erinnerung.1939.de.html?drn:news_id=1320380

Pourquoi ne suit-il pas la suggestion de mon père, Heinz Galinski, qui, dès 1988, alors président du Conseil central, a réuni des hommes politiques de l’Est et de l’Ouest lors de manifestations commémoratives à Francfort-sur-le-Main et à Berlin-Est ? Mais, comme l’écrit à juste titre Norbert Frei dans le Süddeutsche Zeitung du 5 novembre 2021, „la proposition de Galinski d’instaurer une journée commune du souvenir dans les deux Allemagnes est restée sans écho ».

 

Le 9 novembre, Journée fatidique

N’est-ce pas précisément le caractère contradictoire de cette journée qui est si important en 2021 pour une commémoration commune qui puisse être acceptée par tous les Allemands jeunes et vieux ? Peut-il y avoir un meilleur jour du souvenir pour l’Allemagne que le 9 novembre ? Sûrement pas ! Y a-t-il un autre jour dans l’année qui suscite une plus grande diversité de sentiments ? Oui, le souvenir de la nuit du pogrom sera et devra toujours rester un jour fondamental de notre culture commémorative. Mais cela doit-il nous faire oublier d’autres événements tous inextricablement liés au 9 novembre ?

Depuis 1989, ce jour évoque la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1918, la République avait été proclamée à Berlin, et les 8 et 9 novembre 1923, Adolf Hitler tenta un coup d’État à Munich contre la République éxécrée, un exemple prémonitoire à ne pas oublier non plus. Et qu’en est-il de la date importante de 1938 quand l’ébéniste Georg Elser essaya de tuer Hitler et les principaux dirigeants nazis dans la brasserie Bürgerbräukeller, attentat qui, malheureusement, échoua.  Il existe d’innombrables autres événements qui peuvent être liés à cette date et qui rendent ce jour si important. Ce n’est pas le 3 octobre qui est le jour central fatidique en Allemagne, mais bien le 9 novembre. https://www.deutschlandfunk.de/geschichtstraechtiges-datum-historiker-der-9-november.694.de.html?dram:article_id=504589

 

Les parallèles en Israël avec la période de 1933 à 1939

Passons aux autres points indissociables qui exigent de tirer des leçons de la „Nuit de cristal“ pour la Palestine et d’autres événements. Il est temps d’examiner la réaction instinctive qui tente de présenter les crimes commis pendant l’Allemagne nazie comme un événement unique. Malheureusement, beaucoup de parallèles peuvent être établis avec la période de 1933 à 1939.

Prenons la racaille juive en Israël qui crie « Mort aux Arabes » et tague ce genre de slogans sur le mur de l’apartheid ou les mosquées et même y met le feu. Quand des « soldats de la défense » et des policiers juifs restent les bras croisés pendant que les colons judaïstes détruisent les récoltes d’olives et les arbres palestiniens, brûlent des champs et attaquent même sans scrupule des aides saisonniers étrangers, les parallèles avec l’Allemagne de 1933-39 deviennent évidents. Les occupants juifs sont devenus des oppresseurs, cet État colonial qui réduit les Palestiniens au statut de « sous-hommes ». Les sondages confirment qu’une grande partie de ces Israéliens juifs ne veulent pas de Palestiniens comme voisins, encore moins dans la même maison. Ils sont favorables aux routes séparées « seulement pour les Juifs » (!) qui amènent aux colonies juives illégales en traversant les terres occupées. Ils soutiennent le blocus contraire au droit international (!) de la bande de Gaza, verrouillée du côté terre et du côté mer et à la grâce d’Israël. Les Israéliens ne se sont pas opposés aux attaques contre Gaza et au génocide qui fait de ce „camp de concentration“ un lieu pratiquement inhabitable.

https://www.middleeastmonitor.com/20210423-100s-jerusalemites-injured-as-ultra-right-wing-israelis-march-chant-death-to-arabs/

https://theintercept.com/2018/05/20/norman-finkelstein-gaza-iran-israel-jerusalem-embassy/

https://www.middleeastmonitor.com/20200128-jewish-settlers-burn-down-palestinian-churches-and-mosques/

 

Souvenons-nous des jeunes Juifs israéliens qui se sont fait tatouer les numéros des camps de concentration de leurs ancêtres pour ne pas oublier l’Holocauste. Et ne sont-ce pas précisément de jeunes Israéliens qui se sont comportés de manière obscène devant les mémoriaux de l’Holocauste, des camps de concentration et d’Auschwitz ?

https://www.welt.de/politik/ausland/article109638001/Holocaust-Erinnerung-fuer-immer-in-Haut-gestochen.html

https://www.bbc.com/news/world-europe-38675835

 

La politique proche du nazisme et raciste d’Israël

Rappelons-nous qu’en 2015 l’armée juive « de défense » avait introduit des « numéros d’identification » pour les, à l’époque, 30.000 habitants palestiniens dans la zone H2 de la ville d’Hébron occupée. Les Palestiniens qui n’avaient pas de numéro étaient évacués ou arrêtés. Même les tout-petits et tous les nouveau-nés ont reçu un numéro. Des Palestiniens ont ainsi été séparés de leurs proches et ont dû se faire contrôler à 17 points de contrôle internes. Les Palestiniens ont été soumis à des conditions inhumaines, tandis que les quelque 500 colons hardcore ont pu se sentir comme des rois. Ce n’est qu’en 1994, après la signature des accords d’Oslo, que les choses ont changé. Toutefois, en 2005, à la fin de la seconde Intifada, la rue Shuhada a été fermée et les Palestiniens en ont été exclus. https://desertpeace.wordpress.com/2015/12/22/numbering-palestinians/

Le fait qu’une majorité de Juifs israéliens soutiennent ces conditions et élisent des politiciens qui soutiennent ces mesures fait peur.

Souvenons-nous donc de l’admirable membre de la Knesset Hanan Zoabi qui, à l’occasion d’une commémoration de la « Nuit de cristal » en 2015 à Amsterdam, avait prononcé un discours remarquable dans lequel elle a accusé Israël de mener « une politique raciste » à l’égard des Palestiniens et a accusé « l’État juif » d’avoir commis des crimes similaires à ceux des nazis ; elle a comparé à juste titre les règlements israéliens aux conditions dans lesquelles les Juifs vivaient en Allemagne en 1938, à l’époque du pogrom de la « Nuit de Cristal ». « La leçon principale de la Nuit de cristal n’a pas été retenue». Elle cita l’ancien « ministre de l’Éducation » aujourd’hui Premier ministre (!), Naftali Benett : « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie. Et il n’y a aucun problème avec ça ». Il est pour elle l’exemple même de la politique proche du nazisme de « l’État juif » et elle a bien raison avec ses comparaisons.

https://desertpeace.wordpress.com/2015/11/09/invoking-the-holocaust-is-sometimes-necessary-to-reveal-the-truth/?fbclid=IwAR2ru-tPLq3XBXoNOWuWaBl-bpAGEZo8RxtzJcR63yK5aU9qVCJPiqwlxI4

En fait, au cours de ces six dernières années, la situation des Palestiniens a empiré à tous égards, ce qui n’a rien d’étonnant sous Bennett, sa politique d’expansion des colonies et sa „promesse“ que tant qu’il détiendra les rênes du pouvoir, il n’y aura pas d’État palestinien (où donc ??)

https://www.middleeasteye.net/news/israel-bennett-no-palestinian-state-foreseeable-future

 

L’instrumentalisation impitoyable de l’Holocauste par Israël

Que peut-on espérer d’un État d’occupation juif qui a traité les dernières victimes survivantes de l’Holocauste de façon ignoble et les a affamées financièrement ? Ce n’est que lorsque beaucoup de ces personnes ont également émigré en Allemagne que l’on s’est souvenu de leur utilité. Cette instrumentalisation impitoyable de l’Holocauste par les politiciens israéliens et les lobbyistes, n’a-t-elle pas précisément conduit à ce que les critiques de « l’État juif » se taisent de plus en plus, par peur d’être soupçonnés d’être antisémites ?

Donc, lorsque nous parlons de l’Holocauste et du meurtre par Hitler de six millions de Juifs européens, nous oublions souvent que l’Holocauste a également fait d’autres victimes, à savoir les Palestiniens à qui on a arraché la terre. Ils étaient des victimes innocentes quand le monde tentait de faire une place aux Juifs expulsés par la tyrannie nazie. L’historien israélien Ilan Pappé écrit :

« En 1945, le sionisme avait amené plus d’un demi-million de colons dans un pays dont la population était de presque deux millions d’habitants… La population indigène n’a pas été consultée… et ses objections au projet de transformer la Palestine en un État juif n’ont pas été prises en compte… Comme pour tous les mouvements de colonisation précédents, la réponse à ces problèmes était la double logique de l’écrasement et de la déshumanisation. La seule façon pour les colons d’étendre leur emprise sur les terres au-delà des 7 % et de s’assurer une majorité démographique exclusive était d’expulser les habitants de leur patrie. Le sionisme est donc un projet de colonisation qui n’est pas encore terminé…Israël continue de coloniser…exproprie les Palestiniens et refuse aux autochtones le droit à leur patrie…le crime commis par les dirigeants du mouvement sioniste qui est devenu le gouvernement d’Israël, a été celui du nettoyage ethnique. »

https://www.middleeasteye.net/news/israel-bennett-no-palestinian-state-foreseeable-future

https://electronicintifada.net/content/israels-incremental-genocide-gaza-ghetto/13562

 

Les Palestiniens : les dernières victimes de l’Holocauste

Les Palestiniens en tant que dernières victimes de l’Holocauste, cela aussi est un chapitre indissociable du 9 novembre, ainsi que la commémoration de toutes les victimes des atrocités coloniales, cet héritage de la suprématie blanche avec les nombreux crimes fondamentaux de la « civilisation des valeurs » occidentale.

Je tiens beaucoup à citer, à la fin de mon commentaire, un article de l’historien australien Dirk A. Moses, l’expert de l’histoire du génocide dans le contexte colonial et son souvenir. D.A. Moses est professeur d’histoire mondiale des droits de l’homme à l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill depuis 2020. Mon attention a été attirée sur lui en lisant un article d’Omer Bartov dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 13.10.2021 sous le titre « Blinde Flecke » (Angle mort). Je me suis ensuite procuré le livre paru malheureusement seulement en anglais, « The Problem of Genocide » et j’ai commencé à le lire. Peu après, j’ai trouvé aussi une critique de son livre dans le Süddeutsche Zeitung et j’ai été  enthousiasmée par cet historien. https://www.youtube.com/watch?v=FIUzUVs7rbI

https://www.sueddeutsche.de/kultur/a-dirk-moses-genozid-holocaust-kolonialismus-1.5279010

Pour finir, je vous recommande son article, très intéressant à lire, qui critique le « Katechismus der Deutschen » (le catéchisme des Allemands) » avec ses « cinq convictions », dont la raison d’Etat, et qui juge le moment venu d’y renoncer. Je suis sans réserve d’accord avec son argumentation, « en ces temps de pogromes et de génocides ».

https://geschichtedergegenwart.ch/der-katechismus-der-deutschen/

 

 

 

 

 

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