Il n`y a Rien a feter! Evelyn Hecht-Galinski Traduction Christiane Reynaud

Il n’y a RIEN à fêter !

Evelyn Hecht-Galinski

Commentaire du 8 novembre 2017

Texte original :

https://www.sicht-vom-hochblauen.de/es-gibt-nichts-zu-feiern-von-evelyn-hecht-galinski/

Traduction : Christiane Reynaud

 

Quand, le 9 novembre, on commémorera pour la 78ème fois la Nuit de Cristal et que les politiciens allemands en compagnie de fonctionnaires juifs lâcheront des « Plus jamais » ou « La Shoah est unique » et « Contre l’oubli », ce souvenir restera superficiel : dans la ville occupée de Jérusalem, le peuple palestinien subit « la Nuit de Cristal » presque tous les jours !

 

Comment peut-on célébrer cette journée du souvenir sans évoquer les injustices actuelles en Palestine ? Comment est-il possible que l’éducation en Allemagne associe à juste titre l’Holocauste aux plus grands crimes de l’humanité, mais qu’elle renie à tel point les crimes commis en Palestine ? Loin de moi l’idée de relativiser les crimes du régime nazi mais ça me fend le cœur de voir que les descendants des victimes de la Shoah justifient les torts d’aujourd’hui avec ceux d’autrefois. On ne doit jamais justifier les torts et il n’y a pas non plus d’excuse pour ce comportement.

 

Je ne peux que répéter qu’il m’est impossible de me taire: mon père, en tant que survivant d’Auschwitz, m’a éduquée aussi dans cet esprit. Quand il décida de revenir à Berlin et de réorganiser la vie juive à Berlin et en Allemagne malgré TOUTE l’opposition d’Israël, sa devise personnelle, devenue entre-temps la force motrice de mes actions, fut : « Je n’ai pas survécu à Auschwitz pour me taire devant de nouvelles injustices ». Je ne me tais pas devant les crimes commis actuellement au nom d’un « État Juif » et que l’on justifie par la Shoah.

 

Mais le pire est que ce soit justement l’Allemagne qui, par un sentiment de culpabilité mal compris, se solidarise avec ces crimes. De cette façon, l’ancienne culpabilité se renouvelle en une nouvelle culpabilité, irréparable à jamais.

 

La république fédérale de l’ancien modèle d’Adenauer, Oberlaender et de Globke, le « commentateur » des lois raciales et d’aryanisation, et l’époque du « beau brun » Mende des Libéraux-démocrates étaient bourrées d’anciens nazis qui furent repris en tant que fonctionnaires car on en avait à nouveau besoin et ils ont marqué le pays jusqu’aux années 1970. Ils ont repris leurs fonctions grâce au « certificat de dénazification » des Alliés. Je me souviens encore très bien comment mon père a dû lutter, d’abord pour être reconnu en tant que victime, et plus tard, pour être entendu en tant que fonctionnaire juif par les politiciens et les médias allemands.

 

C’était aussi l’époque où les Etats-Unis étaient empêtrés dans la guerre de Corée et où les Allemands servaient de bastion stable dans la guerre froide, ce qui n’a pas changé jusqu’à maintenant.

 

Je sais très bien aussi comment mon père, en 1947, a aidé à loger d’anciens prisonniers des camps de concentration et des rapatriés juifs dans des maisons vides. Aujourd’hui encore, l’ancien professeur de l’armée fédérale Michael Wolffsohn, le « Juif au casque d’acier » se sert de cet argument pour poursuivre Heinz Galinski avec « la haine  par delà les générations », par le biais de son grand-père, propriétaire d’immeubles idéalisé. Wolffsohn a tout essayé pour discréditer mon père, mais heureusement sans succès.

 

Moi aussi, j’étais attirée par les « années 1968 » et me suis détournée avec dégoût devant l’hypocrisie de certains politiciens et de certains partis. Pour moi, cette époque et « l’automne allemand » ont été le départ d’une nouvelle ère. Cette ambiance était une lueur d’espoir, surtout à Berlin, à l’époque des journaux de propagande de Springer. Rudi Dutschke a été un coup de chance pour nous, mais il n’avait aucune chance contre ce système. J’ai été aussi particulièrement fascinée de voir comment ces jeunes militants s’intéressaient pour la Palestine. C’était un renoncement à la solidarité avec Israël pour des raisons de culpabilité. Oui, nous nous sommes cabrés et ne voulions plus être enlisés dans le bourbier brun encore présent dans les universités et les ministères.

 

En effet, Yasser Arafat était un héros à mes yeux et il l’est resté jusqu’à ce jour, contrairement à ses successeurs actuels comme le président Abbas.

Le 2 novembre, quand la Première Ministre britannique May et son homologue Netanyahou ont fêté le 100ème anniversaire de la Déclaration Balfour lors d’un grand dîner, on ne pouvait que se sentir dégouté par ces festivités. Le chef de l’opposition Jeremy Corbyn a eu la seule bonne réaction : il n’a pas voulu y participer et s’est décommandé. Ce fut bien triste de voir ces festivités en Grande-Bretagne et dans « l’État Juif ». On a célébré sciemment « la fondation d’un foyer national pour le peuple juif » mais on a occulté l’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens de leur patrie ancestrale et la misère actuelle de millions de Palestiniens. Par là, on a fondé aussi le mythe du « peuple juif », en déclarant la communauté religieuse juive comme « peuple » juif afin de légitimer le « foyer national ». Ainsi s’est réalisé l’affreux rêve de Theodor Herzl de « l’État Juif » et la question juive a trouvé une solution « moderne ».

Lord Lionel Walter Rothschild, la figure de proue sioniste de la Grande-Bretagne était enthousiasmé par cet accord, comme étant le plus « grand événement » de l’histoire juive des dernières 1800 années. Rothschild a-t-il acheté son avenir politique en soutenant Balfour dans sa campagne électorale et le prix en fut la Déclaration ?

Alors que les Arabes, en tant que bastion contre les Ottomans, faisaient confiance à la promesse britannique de 1915 de recevoir comme « récompense » leur propre État-nation, la Déclaration Balfour promettait la Palestine au « peuple juif » comme « foyer national ». Aujourd’hui, nous avons le même phénomène, en ce sens que « l’État juif » est considéré comme un rempart de l’Occident au Moyen-Orient et qu’il est censé défendre les „valeurs judéo-chrétiennes“ contre l’Islam.

La Déclaration Balfour ne contenant que 67 piètres mots, en plus de cela évasifs, de sorte que cette déclaration laissait place à des interprétations sionistes qui ont conduit aujourd’hui à l’occupation illégale, au nettoyage ethnique et à la « solution finale moderne » de la question palestinienne. Dès le début, les droits des „communautés non juives existantes en Palestine“ n’ont pas été respectés. Après tout, les colonialistes britanniques avaient exactement les mêmes idées que les colonialistes juifs. Ces sionistes ont pu coloniser la Palestine pour « civiliser » la population arabe. Ce sont exactement les expériences que j’ai faites lors de mes visites en Israël quand les guides touristiques juifs ou des connaissances parlaient toujours avec mépris des « sales Arabes ». C’est cette arrogance juive envers les Palestiniens que je détestais déjà autrefois.

Les Britanniques devraient s’excuser pour ce désastre au lieu de le célébrer. En fait, la Déclaration Balfour a jeté les bases du nettoyage ethnique et de l’occupation illégale de la Palestine. Lord Balfour, l’ancien ministre britannique des Affaires Étrangères, est présent presque partout dans « l’État Juif ». En effet, presque tous les anciens villages palestiniens qui appartiennent aujourd’hui à la Palestine occupée illégalement entre les mains des Juifs, ont donné son nom à une place ou une rue, tandis que les noms arabes d’origine ont été éliminés par les sionistes. Ainsi, il y a eu non seulement un nettoyage ethnique physique, mais aussi culturel qui continue à s’intensifier jusqu’à maintenant, où Netanyahou relègue même la langue arabe à l’arrière-plan.

Ce que les Britanniques et les Français ont mitonné dans l’accord secret Sykes-Picot, à savoir de fausses promesses, a été renforcé dans la Déclaration Balfour. Pourquoi n’évoque-t-on aujourd’hui jamais la phrase primordiale : «  rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine » ?

Tout ce qui s’est passé depuis la Shoah jusqu’aujourd’hui est inextricablement lié à la fondation de « l’État Juif » en 1948 qui aboutit à la Nakba, la catastrophe pour le peuple palestinien, qui commença avec l’accord de Balfour. Le peuple palestinien n’a pas encore été indemnisé pour les crimes d’expulsion et de confiscation de ses biens et de ses terres. « L’État Juif » s’est avéré totalement inapte à la paix, soutenu par la communauté internationale hypocrite. Des excuses pour les torts seraient un premier petit pas sur le chemin de la reconnaissance de la Palestine dans les frontières de 1967. Ces pas semblent en réalité aussi éloignés que la paix. Il ne nous reste que l’espoir d’une justice tardive dans un État commun à tous ses habitants, ses ethnies et religions.

On devrait y penser en commémorant le 79ème anniversaire de la Nuit de Cristal et la Déclaration Balfour d’il y a 100 ans. Une commémoration sans ces réflexions est un rituel vide et dépassé.

En attendant, il n’y a RIEN à fêter !

 

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