Terre brûlée ou nettoyage ethnique de la Palestine Evelyn Hecht-Galinski Traduction : Christiane Reynaud

Terre brûlée ou nettoyage ethnique de la Palestine

Evelyn Hecht-Galinski

Commentaire du 1er juillet 2020

Texte original : https://www.sicht-vom-hochblauen.de/verbrannte-erde-oder-die-ethnische-saeuberung-palaestinas-von-evelyn-hecht-galinski/

Traduction : Christiane Reynaud

 

Si les plans sionistes d’annexion prévus pour le mercredi 1er juillet 2020 par le régime de Netanyahou sont appliqués, « l’État juif » transgressera une fois de plus toutes les normes démocratiques et le droit international. Ce n’est que la conséquence de décennies d’impunité d’une politique génocidaire effrénée de nettoyage ethnique du peuple palestinien, une politique unique au monde de colonisation et de non-respect des droits des Palestiniens. Tout cela n’était et n’est possible aux yeux de la communauté internationale qu’avec son aide active. Aujourd’hui, mercredi, les factions palestiniennes ont appelé à une « Journée de la colère » qui devrait viser aussi toutes les forces allemandes qui ont rendu cette annexion possible et continuent de le faire.

Le génocide contre les Juifs n’en justifie pas un nouveau

En effet, nous avons affaire à un nettoyage ethnique car c’est la terre brûlée palestinienne qui, par la politique expansionniste sioniste, fait de la Palestine « l’État juif » dont on doit fermement refuser le droit d’exister sur la base de cette politique inhumaine de nettoyage ethnique.

Le génocide contre les Juifs n’en justifie pas un nouveau, on ne le répétera jamais assez. On essaie de cette façon de placer la relation victime/coupable sur une base qui n’existe pas. Une injustice ne deviendra jamais un droit, quel que soit l’auteur qui la commet et pour quelle raison.

C’est ce génocide insidieux sur la base d’expulsion violente, de vol de terres, d’humiliation physique et psychique qui est censé légitimer la domination de cet « État d’apartheid juif » depuis sa fondation en 1948, le début de la Nakba, la catastrophe pour les Palestiniens. C’est un crime contre l’humanité et est contraire à notre Loi fondamentale allemande. L’article 1, « La dignité de l’être humain est intangible » vaut également pour la Palestine et la dignité des Palestiniens.

Une tragédie lamentable

Le Parlement allemand prévoit de « critiquer » les plans d’annexion d’Israël le 1er juillet et de mettre en garde contre les conséquences possibles. Quelle tragédie lamentable ! Car,  selon le projet de proposition, aucune sanction  n’est prévue contre « l’État juif ». La « demande pressante » prévue au gouvernement israélien de renoncer à ce pas annoncé ne suffit plus ! Non seulement le projet de la CDU/CSU, du SPD et du FDP refuse des sanctions économiques mais le gouvernement fédéral veut même s’opposer à des sanctions proposées par d’autres États de l’UE.

Ni les Verts ni la Gauche ne veulent soutenir ce projet de proposition. Les Verts veulent y faire figurer les frontières de 1967 car la mention des frontières devrait aller de soi : elles sont toujours évoquées par la communauté internationale comme base de négociations de paix. La Gauche qui n’a scandaleusement pas été incluse dans les discussions sur le projet, est nettement plus positive et claire. Elle prévoit de déposer son propre projet après que le comité du parti a rédigé le 6 juin une résolution beaucoup plus tranchante. Elle exige que l’accord d’association entre l’UE et Israël soit suspendu et de mettre fin à la « coopération militaire avec Israël ».

https://www.die-linke.de/partei/parteistruktur/parteivorstand/2018-2020/beschluesse/detail/news/nein-zur-annexion-des-westjordanlandes/

Plus d’un millier de députés européens, principalement des députés de la gauche libérale, dont les présidents des Verts Annalena Baerbock et Robert Habeck ainsi que plus de 200 députés du centre-droit ont publié une lettre à l’initiative de Avraham Burg, ancien président de la Knesset, et déclaré : « l’acquisition de territoire par la force n’a pas sa place en 2020 et devrait avoir des conséquences proportionnelles ». Cependant, les parlementaires de la CDU et du FDP ne se sont pas joints à cette lettre.  Au contraire, les députés Hohlmeier et Baer de la CSU viennent de se prononcer en faveur d’une coopération renforcée avec Israël ! Nous devons nous rendre à la triste évidence qu’en fin de compte, c’est à Washington que la décision d’une annexion est prise alors que l’Europe se contente de symbolisme.

https://www.zeit.de/politik/ausland/2020-06/westjordanland-annexion-israel-kritik-eu-abgeordnete

Sentiment de culpabilité envers 6 millions de Juifs assassinés mais pas envers de 27 millions de victimes de guerre soviétiques

Comme le projet de la CDU/CSU, du SPD et du FDP semble peu digne de foi : ils n’hésitent sinon pas à soumettre la Russie à des sanctions sous prétexte d’une violation du droit international lors de « l’annexion » de la Crimée. Comparer la Russie et « l’État juif » est – si j’ose dire – déplacé. La Russie ne maintient pas d’État d’occupation et ne mène pas de politique coloniale contre un peuple. L’Allemagne devrait en effet réfléchir pourquoi elle n’est traumatisée par des sentiments de culpabilité que pour les 6 millions de juifs assassinés et pas pour les 27 millions de victimes de guerre soviétiques.

Lorsque l’Allemagne assurera la présidence du Conseil de l’UE et du Conseil de sécurité des Nations unies ce 1er juillet, elle devrait assumer ce rôle et ne pas « bomber le torse » à cause de son « importance » et souligner constamment son rôle « particulier ».

Tout comme le régime de Netanyahu ne prévoit ni l’égalité des droits civils ni la justice pour les Palestiniens, une partie particulièrement extrémiste des colons juifs proteste contre cette annexion, qui ne va pas assez loin pour eux. Selon eux, « la Judée et la Samarie » leur appartiennent entièrement, et ils ont appelé à protester contre le plan de partage de Trump, car il « laisse trop de terres » aux Palestiniens. Cependant, la plupart des 450 000 colons de Cisjordanie soutiennent le plan de Trump parce que ce n’est „qu’un début“, avec la perspective de la totalité du « Grand Israël ». Les États-Unis ont déclaré qu’ils donnaient « carte blanche » à Israël. Les conséquences seront une poursuite de l’épuration ethnique de la population palestinienne, et c’est une chose que les parlementaires allemands en particulier devraient garder à l’esprit, eux qui se sentent obligés envers la Loi fondamentale, la dignité humaine et le droit international, quand ils refusent à nouveau de prononcer des sanctions contre « l’État juif » immodéré. Quiconque parle encore aujourd’hui de « solution de paix » et de « négociations de paix » entre Israël et les Palestiniens a perdu le sens de la réalité. Elle consiste en un nombre croissant de colonies juives, de points de contrôle, de raids et de massacres. « L’État juif » veut tout, sauf la paix. L’Allemagne doit enfin faire face à la réalité et renoncer à son „rôle particulier“ de complice de ces crimes.

L’histoire est toujours sale

Le 25 juin, le journal F.A.Z. a publié une conversation très intéressante avec l’historien Wolfgang Reinhard : je voudrais en citer quelques passages que je trouve vraiment remarquables. Sous le titre « Geschichte ist immer schmutzig » (L’histoire es toujours sale), il parle de colonialisme, du trafic d’esclaves, de la notion de races et de la culture allemande de la mémoire. Reinhard commence par une critique de Felix Klein, le commissaire du gouvernement fédéral à l’antisémitisme, pour sa condamnation de la comparaison faite par Achille Mbembe entre l’apartheid en Afrique du Sud et le régime d’occupation d’Israël. Reinhard trouve la comparaison de Mbembe tout à fait valable, « car la politique d’occupation israélienne restreint en partie considérablement la liberté de mouvement des Palestiniens. Contrairement à d’autres comme Jürgen Habermas en 1989, Reinhard met la comparabilité de l’Holocauste en doute. Il considère que « c’est absurde, car il n’y a pas de phénomènes historiques comparables ». « Que ce soit une bonne ou une mauvaise comparaison, c’est une autre affaire ». Les interrogateurs parlent aussi avec Reinhard de son livre « Die Unterwerfung der Welt » (L’asservissement du monde) où il écrit dans un des derniers chapitres qu’Israël est la dernière implantation de colons de l’Occident. « L’implantation de colons est tout simplement un fait empirique. Israël est une fondation de colons et les colonies sont toujours au détriment des anciens habitants. Israël est la dernière implantation de colons car ce genre de colonisation ne fonctionne plus nulle part ». Il poursuit avec cette phrase remarquable : « Pour parler typologiquement, la fondation de l’État d’Israël combine le type implantations de colons et le type colonie de domination puisque même les Arabes israéliens ne sont pas égaux en droits. Cela est de toute façon aussi valable pour les habitants de Cisjordanie ou de Gaza. Donc s’il y a colonisation – les termes sont toujours un peu douteux – je dirais donc que c’est du colonialisme.  Un système d’exploitation, de domination, de discrimination, que veut-on de plus ? »

Dans le paragraphe suivant, il contredit à nouveau Klein qui affirme que les Allemands ne devraient pas relativiser l’Holocauste en reprochant à Israël les caractéristiques coloniales de sa politique de colonisation, puisqu’il a été fondé après l’Holocauste pour les victimes de l’Holocauste. Reinhard écrit que si Israël a été fondé à cause de l’Holocauste, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas être une colonie. En outre, l’aspiration à la fondation d’un État était antérieure à l’Holocauste. Donc, une fois de plus, la contrainte allemande de la mémoire ! F.A.Z. : « Klein parle de « culture de la mémoire ». Réponse de Reinhard : « Je définirais la culture allemande de la mémoire comme une contrainte de la mémoire. L’obligation de se souvenir et l’interdiction d’oublier sont fixées juridiquement en Allemagne. Je dirais personnellement que même l’interdiction de nier l’Holocauste n’a pas lieu d’être. Si quelqu’un veut le nier, il faut discuter avec lui mais pas imposer une certaine façon de voir la culture de la mémoire à l’aide du cadi. Nous revoilà au commencement. Achille Mbembe dit peut-être des bêtises mais il a le droit de le faire ».

Il y a chez les Juifs une sorte de monopole du statut de victime – et les victimes se transforment en un clin d’œil en coupables

Vers la fin de l’interview arrive une question très importante. F.A.Z. : « Il existe aujourd’hui une sorte de communauté de victimes des peuples d’Afrique avec le monde arabe. Et il y a différents axes de pensée sur lesquels elle se base. L’un est Israël, le traitement des Palestiniens.  L’autre est la France qui avait des colonies arabes, nord-américaines, nord-africaines et subsahariennes. Combien de temps cette communauté de victimes va-t-elle tenir ? » Reinhard : « Est-ce vraiment une communauté ? Je crois, il y a une rivalité des plus farouches. Il y a chez les Juifs, – excusez-moi de le dire ainsi – une sorte de monopole sur le statut de victime. Je le sais parce que je m’appelle Reinhard et que je suis peut-être d’origine tzigane. Et les Sintis et les Roms, comme on nous appelle jusqu’aujourd’hui,  ont eu beaucoup de mal à obtenir leur monument. D’une manière générale : tout le monde veut être une victime mais les autres n’ont pas le droit de l’être. Je porte au crédit de Mbembe d’avoir réitéré une très vieille perspective que j’ai aussi acquise en tant qu’historien : les victimes, si elles en ont l’occasion, se transforment en un clin d’œil en coupables. Malheureusement, c’est aussi le cas d’Israël. «  Fin de citation https://www.reddit.com/r/DErwachsen/comments/hgfgf7/geschichte_ist_immer_schmutzig_interview_mit_dem/

Je ne peux que remercier Wolfgang Reinhard pour ses déclarations claires qu’on n’entend pratiquement jamais, surtout pas de la part d’intellectuels allemands et surtout  pas quand il s’agit d’Israël.  De telles mises au point sont en ce moment très importantes.

Le commissaire à l’antisémitisme Felix Klein : aussi dangereux que son poste

À quoi le commissaire fédéral à l’antisémitisme Felix Klein a-t-il servi jusqu’à présent avec son budget de millions d’euros, à part à semer de la haine ? Pourquoi ne se soucie-t-il pas en premier lieu d’empêcher l’annexion par « l’État juif », de rédiger des pétitions et d’appeler à des protestations ? Ce n’est que de cette manière qu’il serait digne de foi et ferait quelque chose pour qu’il y ait une normalité juive allemande qui exige que le droit international soit respecté quand il s’agit de coupables judéo-sionistes. Sans cela, Klein est aussi inutile, voire même dangereux, que son poste.

L’annexion attendue, sur laquelle je reviendrai dans mon prochain article, n’est que la continuation du processus d’annexion américano-sioniste en cours dans le régime d’occupation juif depuis 1948. Il serait bon que le ministre allemand « à cause d’Auschwitz » admette enfin que sa politique a complètement échoué. Il doit enfin se rendre à l’évidence que ce ne sont pas les Palestiniens qui violent le droit international et occupent illégalement un pays et un peuple, mais les « amis juifs ». Mais si Maas prône l’importance des « relations transatlantiques » et que le SPD et sa faction veulent maintenant des drones armés pour protéger l’armée fédérale lors de ses dangereuses missions à l’étranger, le SPD atteint le triste maximum de son déclin et n’apparait que comme une copie minable de la CDU/CSU. Que pouvons-nous donc attendre d’autre de cette coalition ?

Peuple de Palestine, ne désespère pas !

C’est précisément dans son prochain rôle à la présidence du Conseil de l’UE que l’Allemagne devrait assumer sa responsabilité envers la Palestine comme l’exige l’Holocauste et ses conséquences. Lors d’un rassemblement du Fatah à Jéricho, les envoyés de l’UE, de la Russie, du Japon, de la Chine et des Nations Unies ont montré d’un début prometteur : ils se sont prononcés clairement contre l’annexion israélienne prévue. Est-il déjà arrivé que dans le public d’une manifestation du Fatah, il y ait des représentants de divers États importants, dont le consul britannique ou l’envoyé adjoint allemand ? Sven Kühn von Burgdorff a au moins souligné la responsabilité de Bruxelles de respecter le droit international et aussi celui de l’UE, non sans oublier d’avertir les « amis palestiniens » de renoncer à des mesures « unilatérales » pour accroître la légitimité de l’Autorité palestinienne. Un appel tout à fait inutile et partial au mauvais destinataire. En réalité, la « légitimité » de l’AP sous Abbas est caduque et le peuple palestinien réclame depuis longtemps un changement.

Mais les plus impressionnants ont été les mots de l’émissaire des Nations Unies Nikolaï Mladenov : « Peuple palestinien, ne désespère pas, ne capitule pas, vous n’êtes pas locataires ici, c’est votre patrie ».

 

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