Les lecons a tirer de la Nuit de Cristal et de la Nakba Evelyn Hecht-Galinski Traduction Christiane Reynaud

Les leçons à tirer de la Nuit de Cristal et de la Nakba

Evelyn Hecht-Galinski

Commentaire du 7 novembre 2018

Texte original : https://www.sicht-vom-hochblauen.de/die-lehren-aus-der-kristallnacht-und-der-nakba-von-evelyn-hecht-galinski/

Traduction : Christiane Reynaud

 

Le 9 novembre, quand on commémore la Nuit dite de Cristal pour la 80ème fois, cette date sinistre devrait tous nous rappeler qu’elle est à jamais inextricablement liée à la Nakba, la catastrophe pour la Palestine ! Cette nuit du 9 au 10 novembre 1938 où des lustres en cristal, de la porcelaine et des vitres de plus de 1400 synagogues et des milliers de maisons, d’appartements et de magasins juifs ont été fracassés et brûlés par les nazis, où au moins 90 Juifs ont perdu la vie et environ 30.000 autres ont été arrêtés et emprisonnés, cette nuit restera à jamais gravée dans les mémoires comme la « nuit des synagogues brûlées » et le début de l’extermination systématique des Juifs.

 

« Les lois raciales de Jérusalem » : ne pas se taire devant l’injustice !

 

Quelles leçons devons-nous tirer aujourd’hui de ces crimes ? Ne pas se taire devant l’injustice ! Depuis 70 ans, le monde est témoin de la Nakba, de l’expulsion ciblée de la population palestinienne et, parallèlement, de l’occupation illégale persistante de la Palestine et du vol des terres. Peut-on comparer les deux crimes ? En ce qui concerne le mutisme des populations, à coup sûr !

 

A l’occasion de telles journées commémoratives, on peut, bien sûr, mettre les souffrances des Juifs de cette époque en relation avec les souffrances des Palestiniens d’aujourd’hui. Autrefois, il y avait les « lois raciales de Nuremberg », aujourd’hui les « lois raciales de Jérusalem ».

 

Si on considère la Shoah à juste titre comme un des plus grands crimes de l’humanité, on ne peut pas permettre de dénier les crimes en Palestine. Alors que le déni de la Shoah est passible de sanctions, le déni de la Nakba est soutenu par l’État et le mot Nakba a été rayé du programme scolaire. Finalement, Israël est devenu un pays de coupables et le mythe de la « plus morale de toutes les armées de défense » ainsi que le slogan de la « pureté des armes » sont détruits à jamais. Avec des formules comme « la Nakba est un mensonge » on commet en toute impunité un déni de la Nakba. Cette politique de refus et d’emmurement – jusque dans les esprits – a amené la majorité de la population juive à soutenir l’annexion des territoires illégalement occupés et à se sentir tout à fait à l’aise dans le régime d’apartheid juif. Après tout, seule la Nakba, avec l’expulsion brutale de plus de 700.000 Palestiniens, a rendu possible « l’État juif » tel qu’il existe aujourd’hui. Peut-on oublier ces faits, quand on commémore la Nuit de Cristal et la Shoah ?

 

Cela me navre beaucoup de voir précisément des survivants de la Shoah et leurs descendants nier les leçons de ce terrible événement et justifier les torts actuels par les torts d’autrefois. Il n’y a pas de monopole à une prétention exclusive à la souffrance et à la sympathie. Non, justement les Juifs d’Israël, n’ont-ils pas perdu entre-temps toute sympathie par leur faute ? En effet, ce ne sont pas eux qui se défendent, livrés à eux-mêmes, impuissants et désarmés contre des voisins hostiles mais ce sont eux qui, agressifs, menacent d’autres États souverains et pratiquent l’occupation depuis des décennies, ce qui est unique au monde.

 

Rien ne justifie l’occupation illégale de la Palestine et de la Nakba comme début de l’expulsion ciblée et de l’humiliation du peuple palestinien. Quand avec son livre scientifiquement fondé,  « Le nettoyage ethnique de la Palestine », Ilan Pappé a été l’un des premiers nouveaux  historiens à attirer l’attention sur cette situation, le lobby pro-israélien a tout mis en œuvre pour le dénigrer en tant qu’historien amateur. Cela a cependant échoué car c’était la percée d’une nouvelle présentation correcte de l’histoire, basée enfin sur la vérité et non sur des mensonges sionistes. Finalement, la triste vérité ne peut pas être niée pour toujours, même si on tente de le faire jusqu’à présent.

 

De plus en plus de similitudes entre « l’État juif » et l’Allemagne nazie

 

Les similitudes entre « l’État juif » et l’Allemagne nazie se multiplient. Depuis la fondation de l’État, les valeurs se décalent de plus en plus vers la deshumanisation et les pogroms. La prétention à la totalité de la Palestine et la judaïsation est réclamée avec de moins en moins de scrupules.

 

La majorité des Israéliens juifs ne veut pas reconnaître non plus que l’occupation est illégale et la résistance, par contre, tout à fait légale – songeons au soulèvement du ghetto de Varsovie : il fut certes un échec mais il était légal et important -. Tant que le déni de la Nakba, l’occupation de la Palestine, l’expulsion, la détention clanique, la punition collective, les raids quotidiens et ces crimes contre l’humanité seront considérés comme normaux et légitimes, tant que la communauté internationale hypocrite soutiendra cette politique méprisant la dignité humaine qui refuse aux Palestiniens leur droit de retour garanti, refuse l’entrée sur le territoire aux partisans du BDS et aux critiques et réprime chaque semaine au camp de concentration de Gaza la « Marche du retour » par des meurtres, nous, au moins, devons être solidaires et ouvrir tout grand la bouche contre cette injustice.

 

Les descendants des expulsés palestiniens qui vivent dispersés partout dans la diaspora sont obligés d’attendre impuissants la mise en application, en retard depuis longtemps, de la résolution 194 de l’ONU qui prévoyait un droit au retour et des indemnisations. On continue de propager la baliverne de la propagande juive selon laquelle les Palestiniens auraient quitté volontairement leur patrie, la Palestine, pour ne pas devoir vivre avec les Juifs. De cette manière infâme, on a fait de la Nakba un exode volontaire des Palestiniens ; il est donc clair que rien n’est plus désagréable à « l’État juif » que la vérité sur l’expulsion des Palestiniens de leur patrie !

 

Le « PLUS JAMAIS » en rapport avec la culpabilité allemande est de moins en moins digne de foi. Alors que, selon « l’État juif » et son lobby zélé, des voyages à Gaza et dans les territoires palestiniens illégalement occupés sont devenus pratiquement impossibles, les migrants musulmans devraient être obligés de visiter des camps de concentration. On veut leur faire intérioriser la Shoah, mais pourquoi devraient-ils intérioriser cette culpabilité allemande, eux qui en sont encore les victimes ? Quelle honte d’exiger ça de personnes qui depuis des années voient comment Israël ruine la Palestine, la Syrie, le Liban !

 

La conquête des terres et des biens, l’exclusion des possibilités d’éducation, l’occupation, le blocus et l’humiliation, le mur de l’apartheid et les postes de contrôle ainsi que le refus de liberté visent à épuiser les Palestiniens pour qu’ils se soumettent volontairement.

 

Alors que le régime sioniste sème la discorde et contrecarre de toutes ses forces toute élection libre ainsi qu’une entente entre les groupes palestiniens brouillés, on tente de s’allier avec l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe pour creuser un fossé entre tous et faire front contre l’Iran. Tout cela n’est possible que parce que les États-Unis sous Trump, ainsi que plusieurs États fascistes, contribuent à maintenir « l’État juif » comme facteur de puissance au Proche-Orient.

 

Alors qu’en Allemagne nazie la critique conduisait à la persécution, à l’emprisonnement et au camp de concentration, les protestations contre la politique d’occupation contraire au droit international dans « l’État juif » seraient possibles et ne mettraient pas la vie en danger. Malgré cela, seule une toute petite minorité juive proteste contre cette politique pendant que la majorité s’y identifie et le confirme aux élections.

 

Alors que l’Allemagne nazie avait anéanti tous les droits démocratiques, « l’État juif » veut être qualifié « d’unique démocratie » au Proche-Orient. Cette prétention devient de plus en plus une farce après les nombreuses lois qui ne profitent qu’aux citoyens juifs et sapent les droits des minorités, en commençant par l’interdiction de commémorer la Nakba jusqu’à la loi nationale qui vient d’entrer en vigueur et qui renonce au dernier semblant d’État de droit démocratique.

 

Interdire le souvenir est un crime

 

Ce sont justement ces deux lois qui, le 9 novembre, devraient nous rappeler que c’est un crime d’interdire officiellement le souvenir, un crime qui ne devrait pas être supporté sans réaction. Si on interdit aux Palestiniens de commémorer publiquement la Nakba, qu’est-ce qui distingue encore cet État fasciste des nazis allemands? En effet, la seule différence est que l’extermination systématique des Juifs en Europe ne peut que partiellement être mise au même rang que l’expulsion des Palestiniens, mais comparer ne veut pas dire mettre au même rang, et est tout à fait légitime. Comment peut-on, en tant que citoyen juif et même démocrate, accepter que des lois racistes soient ressenties comme normales par le « peuple élu » en Israël ? Par l’instrumentalisation de la Shoah, « l’État juif » s’est développé de telle manière que pratiquement aucun dirigeant politique n’ose s’y opposer. Ce serait pourtant un devoir démocratique de n’instrumentaliser la Shoah que dans le sens que j’ai appris chez mes parents, selon la devise de mon père : « Je n’ai pas survécu à Auschwitz pour me taire sur une nouvelle injustice ». En réalité, la société judéophile se tait aujourd’hui pour tenir tête à un antisémitisme présumé mais elle oublie que le remplacement des termes n’est qu’une déformation linguistique qui est blâmable.

 

Nous sommes en ce moment à nouveau témoins d’une campagne ciblée qui, après des sites web de dénonciation doit aboutir à la création d’une association qui – écoutez bien ! – veut documenter tous les « incidents antisémites », même ceux qui n’enfreignent pas la loi ! C’est incroyable quelles perversités certains inventent pour détourner l’attention du fait qu’en réalité l’antisémitisme a diminué en Allemagne. Alors que la propension à la violence de l’extrême-droite croît terriblement, le lobby pro-israélien, mené par le Conseil central des Juifs, essaie de créer un climat hostile contre les migrants et un « antisémitisme musulman » que soi-disant ils apportent avec eux. Ce bourrage de crâne devrait tous nous inquiéter pour que les Musulmans ne deviennent pas les Juifs d’aujourd’hui. Les immigrants n’amènent pas l’antisémitisme en Allemagne, mais ils amènent la critique si importante de « l’État juif » qu’on tente ici de rendre de plus en plus impossible. Nous constatons que toute critique de l’État oppresseur juif est massivement condamnée comme antisémite.

Malheureusement, la communauté internationale hypocrite s’esquive. Une mauvaise conscience ne doit pas amener à donner carte blanche à un peuple anciennement victime et aujourd’hui coupable pour commettre des crimes contre le droit international et contre les droits de l’homme et lui donner le permis de tuer sous le faux prétexte de « légitime défense ».

 

Le fait que les partis, les gouvernements d’extrême-droite et les « amis chrétiens » judéophiles d’Israël se solidarisent tant avec « l’État juif » ne devrait-il pas nous faire réfléchir ? On remarque cependant que cette politique de soutien inconditionnel à « l’État juif » se propage aussi à gauche. C’est un phénomène très effrayant qui conduit à des alliances dangereuses.

 

Cette journée commémorative de la Nuit de Cristal devrait nous rappeler que tout ce qui s’est passé autrefois en Allemagne pourrait se reproduire n’importe quand et n’importe où. Diaboliser les voisins, présenter un groupe ethnique comme étant étranger à notre culture, s’isoler d’eux, les marginaliser, se considérer comme supérieurs à eux, prôner une « culture dominante judéo-chrétienne » qui n’existe pas, aboutit à pouvoir discriminer l’islam et les Musulmans comme n’étant pas adaptés au temps actuel.

 

Libre cours au racisme contre les Palestiniens, sans aucune retenue

 

Jetons un regard sur le judaïsme orthodoxe ou politique : il est insurpassable en racisme quand le grand rabbin israélien Lau veut contester le judaïsme des Juifs assassinés, comme cela vient d’arriver après l’attentat dans la synagogue de Pittsburgh, ou, comme cela arriva souvent, que justement des rabbins laissent libre cours à leur racisme contre les Palestiniens. Et qu’en est-il du Pape qui a vraiment comparé l’avortement à un « meurtre commandité » mais qui a, jusqu’à présent, omis de régler l’affaire du scandale des abus sexuels au sein de l’Eglise catholique. Aucune communauté religieuse ne devrait être autorisée à se placer au-dessus d’une autre, tout comme elle ne devrait pas être autorisée à justifier avec la Shoah les violations constantes des droits de l’homme commises par Israël.

 

Tant que le nettoyage ethnique de la Palestine sera accepté comme une vision sioniste de l’avenir de la judaïsation de la Palestine et que les Juifs aspireront aux pleins pouvoirs, il faudra y penser le 9 novembre, car les Palestiniens sont les victimes jusqu’à présent reniés des crimes nazis. Cela aussi devrait être la leçon à tirer de la Nuit de Cristal/Shoah et de la Nakba/Catastrophe.

 

 

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